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Exclu BFM Business: Lagardère arrête son activité e-commerce

La boutique Elle a discrètement cessé ses activités fin décembre

La boutique Elle a discrètement cessé ses activités fin décembre - -

Le groupe s'est lancé il y a deux ans dans la vente en ligne de prêt-à-porter féminin depuis les sites de 'Be' et 'Elle'. Mais le projet a tourné court, et se solde par une quinzaine de millions d'euros de pertes. Ainsi que des procès avec le coactionnaire.

Souvenez-vous. Il y a deux ans, Lagardère annonçait son lancement dans le commerce électronique. L'idée était de vendre du prêt-à-porter féminin via les sites de ses magazines Be et Elle, qui auraient ainsi trouvé un relais de croissance. Les ambitions étaient grandes: 50 millions d'euros de chiffre d'affaires visés au bout de 5 ans...

Cette aventure a été un échec cuisant, avec des pertes estimées à une quinzaine de millions d'euros. L'activité a été abandonnée, et les sites fermés fin décembre. Pire: Lagardère et Charles Sfez, son associé dans le projet, s'attaquent mutuellement devant le tribunal de commerce. Charles Sfez vient ainsi de porter plainte pour réclamer 26 millions d'euros de dommages.

Des atouts sur le papier

Sur le papier, le projet avait pourtant pas mal d'atouts pour réussir. D'abord, ce modèle avait été lancé avec succès par Elle au Japon en 2009. Et en France, Elle possédait déjà une petite activité de vente par correspondance sur catalogue, baptisée Elle Passions.

Enfin, Lagardère avait décidé de s'associer pour ce projet avec Charles Sfez, qui affichait une longue expérience dans la vente de prêt-à-porter. Ce dernier a fondé la chaîne de hard discount Giga Store, revendue en 2002 à CDC Capital et Banexi Capital. Puis, via sa société Dépôt Bingo, il a lancé le site generation-shopping.com, fermé en 2010. Depuis, il opère le site de Tati.

En pratique, les deux associés ont créé une filiale commune, baptisée Lagardère Active Webco, détenue par Lagardère (70%) et Charles Sfez (30%). Cette filiale commune a repris pour un euro l'activité de vente par correspondance Elle Passions.

"Plusieurs erreurs commises"

Comment expliquer alors cette bérézina? Interrogé, Lagardère n'a pas souhaité faire de commentaires. De son côté, Charles Sfez avance plusieurs explications: "plusieurs erreurs ont été commises, notamment de proposer sur le site de Be qui ciblait les jeunes filles, les articles d’Elle Passions, destinés à une clientèle plutôt âgée de 35-40 ans. Surtout, le projet avait été initié chez Lagardère par Didier Quillot et Bruno Lesouëf. Mais tous deux ont été remerciés. Les nouveaux dirigeants de Lagardère ont décidé d’arrêter le projet".

Selon Charles Sfez, Lagardère ne l'a pas arrêté à cause des résultats commerciaux: "la décision d’arrêter nous a été annoncée en mars 2013, alors que le service avait été lancé seulement à la rentrée 2012, et que les premiers résultats étaient prometteurs. Il n’y avait pas suffisamment de recul pour décider d’arrêter".

A partir de là, les relations entre les deux associés se dégradent. En août 2013, Lagardère révoque Charles Sfez de son poste de directeur général. L'arrêt met aussi fin aux commandes auprès de Dépôt Bingo, la société de Charles Sfez qui assurait la logistique. Selon Charles Sfez, "Lagardère a rompu ce contrat unilatéralement par anticipation, mettant Dépôt Bingo dans une situation financière très difficile. Or ce contrat avait été conclu pour 5 ans, et Dépôt Bingo avait beaucoup investi pour pouvoir assurer cette logistique".

Modèle risqué

Une large partie des pertes est due au fait que la filiale possédait ses propres stocks de vêtements, au lieu d'être un simple intermédiaire avec des e-commerçants comme le font d'autres magazines féminins. Selon Charles Sfez, "quand Lagardère a décidé d’arrêter, les 7 millions d'euros de stocks qui avaient été constitués ont été bradés à seulement un dixième de leur valeur".

Mais il persiste à penser que posséder le stock est le bon modèle: "certes, ce modèle est plus risqué, mais il génère plus de chiffre d’affaires et de bénéfices. C’est ce modèle qui a toujours été utilisé par Lagardère au Japon".

Interrogé, le groupe Lagardère a répondu "réserver à la justice le détail des griefs que nous avons à l'encontre de nos partenaires".

A noter que l'avocat de Lagardère dans cette affaire est Me Maurice Lantourne, devenu célèbre pour être aussi l'avocat de Bernard Tapie...

Jamal Henni