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Exclu BFM Business: le mail incendiaire du propriétaire de "Libération"

Dans l'édition de samedi, les actionnaires présentent leur projet, et les salariés protestent.

Dans l'édition de samedi, les actionnaires présentent leur projet, et les salariés protestent. - -

Bruno Ledoux, principal actionnaire du quotidien, fustige violemment l'attitude de ses salariés dans un courrier électronique envoyé aux autres actionnaires.

Rien ne va plus à Libération. Vendredi 7 février, les actionnaires ont dévoilé leurs intentions pour le quotidien, ce qui a suscité la fureur de la rédaction.

La tension est désormais à son comble entre actionnaires et salariés, comme le montre ce courrier électronique du principal actionnaire, Bruno Ledoux.

"Rendre ringards ces esprits étriqués"

"Je veux les rendre ringards tous ces esprits étriqués et tirer un coup d'avance, un coup cash, où tout est dit, y compris le projet sur l'immeuble [...] Je pense qu'il faut prendre […] à témoin tous les Français, qui raquent pour ces mecs, pour que tout le monde comprenne bien l'enjeu qui se joue actuellement... D'un coté, la faillite, de l'autre coté, une autre vision.....", écrit Bruno Ledoux dans un email adressé vendredi aux autres actionnaires, ainsi qu'au président du directoire Nicolas Demorand.

Contacté samedi matin, Bruno Ledoux assume: "un modèle qui repose uniquement sur le papier est en effet ringard et condamné. Pour être sauvé, Libération doit impérativement adopter une vision moderne et trouver d’autres ressources. Je trouve aussi ringarde l’attitude des salariés, qui attaquent les actionnaires dans le journal, et refusent de se réformer, sans avoir voulu écouter notre projet".

Conernant l'immeuble de la rue Béranger à Paris loué par Libération, Bruno Ledoux ajoute: "il n’est plus possible que la rédaction reste dans le centre de Paris. Mais notre projet permettra à l’immeuble de rester dans le giron de Libération, et d'apporter les ressources nécessaires pour sauvegarder le journal et le développer. Ces nouvelles ressources doivent complèter celles du journal, et pas s'y substituer. L'un ne peut évidemment pas aller sans l'autre".

Rappelons que Bruno Ledoux est à l'origine un promoteur immobilier, qui détient une partie de l'immeuble occupé par Libération depuis 1986, et dont la valeur s'est beaucoup appréciée depuis.

Un nouveau café de Flore

Vendredi, les actionnaires ont détaillé leur projet dans un texte. Ils veulent que Libération ne soit plus seulement "un seul éditeur de presse papier", mais un "réseau social, créateur de contenus monétisables sur une large palette de supports multimédias (print, vidéo, tv, digital, forums, évènements, radio, etc....)", de quoi lui fournir "de très forts relais de croissance".

Les actionnaires écrivent que le déménagement est "inéluctable", mais réfléchissent, avec le designer Philippe Starck, à transformer les 4.500 m2 du siège en "un espace culturel et de conférence comportant un plateau télé, un studio radio, une news room digitale, un restaurant, un bar, un incubateur de start-up".

Ce "lieu d'échange ouvert et accessible à tous, journalistes, artistes, écrivains, philosophes, politiques, designers" serait "entièrement dédié à Libération et à son univers", dans l'esprit d'un "Flore du XXIème siècle, carrefour de toutes les tendances politiques, économiques, ou culturelles" en misant sur "la puissance de la marque Libération".

Grève reconduite

Ce projet a suscité la fureur de la rédaction. "Nous sommes un journal, pas un restaurant, pas un réseau social, pas un espace culturel, pas un plateau télé, pas un bar, pas un incubateur de start-up...", titre Libération de samedi.

Dans un éditorial, les salariés dénoncent "le projet des actionnaires qui a provoqué la stupéfaction puis la colère de l'équipe, tant il est éloigné de [leur] métier et de [leurs] valeurs. Il n'offre aucune perspective d'avenir sérieuse au journal que vous tenez entre les mains. S'il était appliqué, Libération se verrait ramené à une simple marque. Le plan est clair: c'est Libération sans Libération. Il faut déménager le journal mais garder le joli logo. Ejecter les journalistes mais monétiser la marque". Pour eux, il s'agit d'un "véritable putsch des actionnaires contre Libération, son histoire, son équipe, ses valeurs".

Les salariés, qui avait repris le travail vendredi après 24 heures de grève et la non parution du journal vendredi, ont déposé un préavis de grève dimanche pour lundi.

Jamal Henni