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Exclusif: redressement fiscal pour la filiale française de Yahoo

"Les Intaxables", parodie du film "Les Indestructibles" ("The Incredibles")

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Yahoo France parvient à payer des impôts ridicules: 462 665 euros en 2011, sur un chiffre d'affaires déclaré de 79 millions.

Le fisc français a visiblement les géants de l'Internet dans le collimateur. Après Google, Microsoft, Amazon, eBay..., c'est la filiale française de Yahoo qui fait l'objet d'un redressement fiscal. Le fisc a mené un raid chez Yahoo France -apparemment au printemps 2011-, puis a notifié un redressement portant sur les années 2007 à 2009 à la société, qui le conteste en grande partie.

Il faut dire que, comme ses homologues, Yahoo France paye des impôts microscopiques: 462 665 euros en 2011. Toutefois, contrairement à d'autres, le portail américain déclare un chiffre d'affaires en France (79 millions d'euros en 2011) qui représente apparemment une bonne partie de ses revenus effectifs.

Hélas! Les comptes de Yahoo France sont plombés par des "charges externes" non précisées, qui représentent 83% du chiffre d'affaires. Résultat: la rentabilité est ridicule (1% de marge nette), et donc les impôts aussi.

Logiquement, Yahoo France n'a, ces dernières années, distribué aucun dividende à son actionnaire, Yahoo France Holdings, qui elle-même n'en a pas distribué à son actionnaire, Yahoo Netherlands BV, immatriculé à Amsterdam. Et étrangement, cette filiale néerlandaise est aussi très peu rentable, et paye aussi des impôts minimes (2,9 millions d'euros en 2010).

Evasion par les royalties

Visiblement, la remontée de l'argent se fait donc via d'autres strastragèmes. Interrogée, la filiale française a refusé d'expliquer quelles étaient ces mystérieuses "charges externes" qui plombaient sa rentabilité.

En revanche, les comptes de la filiale néerlandaise sont plus explicites. Son activité quasi-unique (96% du chiffre d'affaires en 2010) est de collecter auprès des filiales de Yahoo des royalties sur les brevets détenus par Yahoo. Mais, dommage pour le fisc batave, la filiale néerlandaise doit elle-même reverser à une filiale suisse, Yahoo SARL, des royalties représentant la quasi-totalité de ces revenus (98% en 2010).

Et c'est bien vers cette filiale basée à Rolle, dans le canton de Vaud à la fiscalité clémente, que semblent remonter les flux financiers. Dans un document remis à la Commission européenne, l'américain explique lui-même avoir "relocalisé son siège européen en Suisse. Beaucoup de services sont désormais fournis à travers les sites européens de Yahoo par Yahoo SARL, une société suisse".

Cette filiale suisse est aussi citée par plusieurs documents de Yahoo France, comme les conditions de vente, ou la politique de données personnelles, ou encore les conditions d'utilisation. De manière assez étonnante, l'intégralité du coût (1,2 million d'euros) des deux plans sociaux menés en France en 2009 a aussi été refacturé à la filiale suisse. Enfin, plusieurs partenaires français de Yahoo nous ont indiqué avoir signé des contrats avec la filiale suisse.

Interrogée, la société a refusé d'expliquer comment les activités réalisées dans l'Hexagone étaient réparties entre la France et la Suisse.

Paradis fiscaux

Mais les Pays-Bas et la Suisse ne sont pas les seuls paradis fiscaux affectionnés par le portail. Ainsi, Yahoo Netherlands BV est détenue par une autre filiale néerlandaise, Yahoo Netherlands Holdings CV, elle-même détenue par Yahoo CV LLC, filiale immatriculée au Delaware, l'Etat américain à la fiscalité la plus légère...

La liste officielle des filiales publiée par Yahoo montre que le portail détient 21 filiales au Delaware, une aux iles Vierges britanniques, et trois aux îles Caïmans...

Enfin, comme les autres géants américains, le portail paye l'essentiel de ses impôts aux Etats-Unis, où il a déjà fait l'objet de plusieurs redressements fiscaux.

Surtout, il a accumulé des profits considérables hors des Etats-Unis (3,2 milliards de dollars, soit le double de sa trésorerie...) qu'il ne rapatrie pas dans son pays natal pour éviter de payer des impôts dessus.

La société s'est refusée à tout autre commentaire que de déclarer "être conforme à toutes les règles comptables et les lois fiscales en France, et dans tous les marchés où elle opère”.

Jamal Henni