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Exclusif: SFR perd son procès contre Orange

Le gendarme des télécoms avait constaté que les tarifs de gros d'Orange étaient trop élevés

Le gendarme des télécoms avait constaté que les tarifs de gros d'Orange étaient trop élevés - -

Cinq opérateurs, qui achètent des appels en gros à l'opérateur historique, l'accusent de surfacturer ses tarifs, et lui réclament 112 millions d'euros. L'un d'eux, Verizon, a obtenu 500.000 euros. Mais SFR, qui réclamait 49 millions, a été débouté.

Enfin une bonne nouvelle pour Orange dans les multiples contentieux engagés contre lui par ses concurrents. L'ex-France Télécom vient d'obtenir deux décisions de justice favorables.

Le tribunal de commerce de Paris a intégralement débouté SFR, qui réclamait pas moins de 49 millions d'euros. Et il a accordé seulement 500.000 euros à Verizon, très loin des 37 millions d'euros réclamés par l'opérateur américain.

Trois autres plaintes, déposées par Completel, Colt et BT, qui réclament au total 27 millions d'euros de dommages, restent à examiner par le tribunal. Mais Orange est plutôt confiant au vu des décisions qui viennent d'être rendues.

Soupçons de surfacturations

Le conflit porte sur les appels en gros achetés à Orange par les opérateurs alternatifs. Le réseau de ces derniers est limité, et ils sont donc souvent obligés d'acheter des prestations en gros à l'opérateur historique. C'est notamment le cas lorsque l'opérateur concurrent n'a pas raccordé lui-même l'abonné à son propre réseau, et doit donc emprunter celui de l'opérateur historique.

Selon les textes, Orange doit vendre ces prestations à prix coûtant, et ce prix est vérifié par le régulateur des télécoms, l'Arcep. Seulement voilà: les concurrents soupçonnent Orange de facturer un tarif en réalité supérieur à ses coûts.

Leur association, l'Aforst, est allé s'en plaindre à l'Arcep en septembre 2008, lui demandant de prendre des sanctions. En juin 2009, l'Arcep conclut à un non lieu. Dans une décision jamais rendue publique, le régulateur constate bien que les tarifs d'Orange sont supérieurs aux coûts. Par exemple, la vente en gros d'un abonnement téléphonique était facturée 25 euros par mois, alors qu'en réalité elle coûtait "au plus 20 euros". Soit un gain pour Orange de 20 millions d'euros par an...

Une erreur difficile à avouer

Mais l'Arcep conclut qu'il n'y a plus rien à faire, étant donné qu'Orange a opportunément décidé trois semaines auparavant de baisser ses tarifs pour les aligner -heureux hasard- sur les coûts calculés par l'Arcep. Une baisse qui est même rétroactive au 1er janvier 2009...

Verizon accuse: "ce non lieu de l'Arcep résulte vraisemblablement de la propre implication de l'Arcep dans le contrôle d'Orange, et de la difficulté d'avouer que l'Arcep n'a pas relevé que les éléments communiqués par Orange conduisaient à des violations des obligations réglementaires que l'Arcep avait pourtant imposées..."

A défaut, les opérateurs concurrents espéraient que l'Arcep ordonne au moins à Orange de rembourser les trop perçus. Mais l'Arcep n'en a rien fait, arguant que les textes ne prévoient, dans un tel cas, aucun mécanisme de remboursement.

Des trop perçus non remboursés

Mécontents, SFR et l'Aforst contestent alors cette décision de l'Arcep devant le Conseil d'Etat, qui, il y a un an, rejette leur recours. "Contrairement à ce que soutiennent l'Aforst et SFR, l'Arcep [n'est pas] habilitée à enjoindre à un opérateur de réparer les conséquences des manquements tarifaires au bénéfice d'opérateurs concurrents,", ont estimé les juges du Palais Royal.

SFR et Verizon sont donc allé réclamer des dommages devant le tribunal de commerce. Ils ont ciblé leurs demandes sur l'acheminement d'appels entre l'abonné et le central téléphonique, une prestation qui représente 100 millions d'euros de revenus par an pour Orange.

Là aussi, l'Arcep avait calculé que le tarif était supérieur au coût de 2% en 2006, puis de 15% en 2007. L'opérateur historique "n'a, par le passé, pas intégré suffisemment dans son tarif les effets des gains de productivité", accusait le régulateur.

SFR fait appel

Finalement, le tribunal de commerce a jugé que le surcoût constaté en 2007 avait finalement été résorbé dans le nouveau tarif adopté par Orange en 2009.

En revanche, ils ont retenu le surcoût constaté en 2006. Ils ont donc estimé qu'Orange aurait dû proposer un tarif 2% moins cher, et ont donc condamné Orange à reverser la différence à Verizon, soit 500.000 euros. En revanche, ils n'ont rien accordé à SFR.

SFR vient de faire appel de la décision du tribunal de commerce. Interrogés, SFR et Orange se sont refusés à tout commentaire.

Jamal Henni