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EXCLUSIF - les télécoms contestent toujours la taxe France Télévisions

Les opérateurs télécoms comptent s'appuyer sur les déclarations de Nicolas Sarkozy

Les opérateurs télécoms comptent s'appuyer sur les déclarations de Nicolas Sarkozy - -

Malgré leur revers devant la justice européenne, SFR, Bouygues Télécom et Free refusent toujours de financer les chaînes publiques, et veulent poursuivre les procédures engagées contre la taxe qui leur est imposée, mais avec un argument différent.

Les opérateurs télécoms ne lâchent pas l'affaire. Ils contestent toujours la taxe qu'ils acquittent pour financer France Télévisions, qui s'élève à 0,9% de leur chiffre d'affaires, soit environ 250 millions d'euros par an.

Certes, le 27 juin, ils ont subi un revers de taille. La justice européenne a alors estimé que cette taxe était bien conforme aux directives sur les télécoms, alors que les opérateurs français arguaient du contraire.

Mais nos opérateurs nationaux ne désarment pas. SFR, Bouygues et Free entendent toujours la contester, mais cette fois avec un autre angle d'attaque.

Démontrer une évidence

Désormais, leur stratégie est de démontrer que le produit de la taxe est affecté à France Télévisions... ce qui paraît évident à première vue!

Mais, formellement, ce n'est pas le cas. En effet, la taxe sur les télécoms est "non affectée", comme on dit dans le jargon budgétaire: son produit va, non point à France Télévisions, mais dans le budget général de l'Etat, qui ensuite reverse cet argent aux chaînes publiques. Le gouvernement Fillon avait adopté cette solution car elle permettait d'obtenir plus facilement un feu vert de Bruxelles.

Aujourd'hui, les opérateurs veulent donc démontrer qu'en réalité, cette taxe est bien affectée à France Télévisions. Ce qui ne devrait pas être trop difficile: cela avait été dit et répété par l'ancien président Nicolas Sarkozy.

Toutefois, ce ne sera pas suffisant pour la taxe soit jugée illégale. Pour cela, il faut remplir une deuxième condition, bien plus difficile. Il faut aussi démontrer que France Télévisions reçoit trop d'argent de l'Etat par rapport aux règles européennes. Ces dernières permettent aux Etats de subventionner leurs TV publiques, mais dans certaines limites, afin de ne pas trop les avantager par rapport aux TV privées. Précisément, l'argent versé par l'État ne doit pas dépasser le coût des missions de service public remplies par France Télévisions. Et cela doit être vérifié par un audit indépendant.

Mauvaise grâce et opacité

Premier problème: les textes définissent ces missions de manière assez générales, pour ne pas dire vague: il s'agit de diffuser des émissions sur l'information ou la culture, de promouvoir la langue francaise, de participer au débat démocratique ou à la cohésion sociale...

Ensuite, la manière dont Paris respecte cette conditions est assez opaque. Certes, le gouvernement Villepin a fait voter fin 2006 un texte stipulant que l'argent versé aux chaînes publiques "n'excède pas le coût d'exécution des obligations de service public". Puis, le 15 mai 2007 (soit la veille de l'entrée en fonction de Nicolas Sarkozy...), il a in extremis publié un décret instaurant l'audit de France Télévisions. Suite à cela, les cabinets KPMG et PwC ont mené ces audits.

Top secret

Mais le contenu de ces audits reste top secret. Bouygues Télécom les a bien demandés au ministère de la Culture, mais ce dernier a refusé de les communiquer.

Ensuite, l'avocat de l'opérateur, Me Jérôme Turot, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada), qui a rendu un avis favorable à leur publication le 20 décembre 2012. Dans la majorité des cas, le gouvernement rend alors public le document. Mais dans notre affaire, il a à nouveau refusé de communiquer ces audits. Toutefois, Bouygues Télécom peut désormais se tourner vers le tribunal administratif, qui, dans de tels cas, donne raison au plaignant dans la majorité des cas.

On saura alors pourquoi le gouvernement tient tant à cacher cet audit... Mais un indice laisse déjà à penser que France Télévisions aurait effectivement reçu trop d'argent en 2007. En effet, une décision de 2009 de la Commission européenne indique que cette année-là, le pôle de service public dégage un résultat net" positif...

Interrogé, Free indique qu'il va "probablement" poursuivre la contestation. SFR répond qu'il va "continuer les procédures sur la base du mécanisme d’affectation directe de la taxe à France Télévisions". De son côté, Bouygues Télécom déclare qu'"aucune décision n'est prise à ce jour". Enfin, Société Générale (qui avait racheté une partie des taxes payées par SFR et Bouygues) indique "examiner les suites possibles".

En revanche, Orange répond qu'il va "a priori abandonner les procédures".

Jamal Henni