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Ces films qui racontent la difficulté de financer des films...

Alec Baldwin, James Toback et Roman Polanski dans "Seduced and abandoned"

Alec Baldwin, James Toback et Roman Polanski dans "Seduced and abandoned" - -

Deux documentaires présentés lors du festival de Cannes se penchent sur la difficulté de financer un film, hier comme aujourd’hui…

C’est un exercice d’introspection assez rare. Durant l'édition 2013 du festival de Cannes ont été présentés deux films qui expliquent la difficulté de monter un film…

Le premier, Seduced and abandoned (Séduits et abandonnés), a été présenté en séance spéciale dans le cadre de la sélection officielle. Ce documentaire a été tourné lors du festival de Cannes précédent par le réalisateur américain James Toback. On l’y voit chercher un financement pour Dernier tango à Tikrit, improbable remake du film de Bernardo Bertolucci situé dans l’Irak en guerre, sans que le spectateur comprenne vraiment si c’est un projet sérieux, ou juste un prétexte pour tourner ce documentaire...

Approche purement financière

James Toback y approche donc des patrons de studios hollywoodiens: Ron Meyer, Jeffrey Katzenberg... Mais aussi de nouveaux acteurs ayant un rôle de plus en plus important dans le financement du cinéma: des milliardaires (Denise Rich…) et des distributeurs de films à l’international (Avi Lerner, Mark Damon…). Leur discours –assez cru- révèle leur motivation purement financière et nullement artistique. L’un d’eux leur propose ainsi d’ajouter au casting une actrice latino et une autre asiatique, pour mieux vendre le film dans ces régions. Et tous trouvent les acteurs envisagés (Alec Baldwin et Neve Campbell) pas assez bankables, pour ne pas dire trop has been...

Le documentaire interviewe aussi plusieurs grands réalisateurs (Francis Ford Coppola, Martin Scorsese, Bernardo Bertolucci, Roman Polanski) qui racontent leur carrière, et leur difficulté croissante à trouver de l’argent pour faire les films dont ils ont envie. Rythmé et drôle, le documentaire présente toutefois une faiblesse: il tente aussi de raconter l’histoire du festival de Cannes, du cinéma français, la dure vie des comédiens… et n’arrive finalement pas à traiter en profondeur la multitude de sujets qu’il prétend embrasser.

"Le film le plus important de l'histoire"

Le second documentaire, Jodorowsky’s Dune, a été ovationné lors de sa présentation à la Quinzaine des réalisateurs. Réalisé par Frank Pavich, passionnant de bout en bout, il raconte la tentative inaboutie d’adaptation du roman de science fiction Dune de Frank Herbert par Alejandro Jodorowsky au milieu des années 70.

Le réalisateur chilien, très drôle et très en verve malgré ses 84 ans, y raconte comment il avait réuni une équipe de rêve pour réaliser "le film le plus important de l’histoire de l’humanité". Au casting: Salvador Dali, Orson Welles, Mick Jagger, David Carradine, Amanda Lear... A la musique: les Pink Floyd. Aux effets spéciaux: Dan O’Bannon. Aux décors: Moebius et H. R. Giger, qui dessineront un magnifique story board du film, constitué de 3.000 dessins.

Ce story board sera présenté à chaque studio hollywoodien, qui refuseront tous de produire le film, effrayés par les idées plus ou moins délirantes de Jodorowsky, qui voulait par exemple que le film dure au minimum 20 heures... "Sur les 15 millions de dollars de budget, il nous a manqué 5 millions", raconte le producteur Michel Seydoux.

La matrice de la science-fiction moderne

Frustré et amer, Jodorowsky réutilisera une partie du travail accompli durant les deux années de préparation dans des bandes dessinées qu’il publiera avec Moebius (L’incal).

Quant aux studios hollywoodiens, le documentaire les accuse d’avoir «pompé» certains éléments du story board dans des films comme la Guerre des étoiles ou Alien (dont le générique réunit à nouveau Dan O’Bannon, Moebius et H. R. Giger). Bref, comme si ce film mort-né était la matrice de la science fiction hollywoodienne moderne… En revanche, le documentaire ne dit mot du procès intenté -mais en vain- par Jodorowsky et Moebius contre Luc Besson et Gaumont, accusés de s'être inspirés de L'incal dans Le cinquième élément.

De son côté, Dune finira par être adapté laborieusement par David Lynch en 1984. Un échec qui rendra fou de joie Jodorowsky...

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De notre envoyé spécial à Cannes et Jamal Henni