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François Fillon compte sur le secteur privé pour financer la culture

"Il n'y aura pas de hausse des crédits", prévient le candidat

"Il n'y aura pas de hausse des crédits", prévient le candidat - AFP Thomas Samson

Le candidat des Républicains promet de "sanctuariser" le budget de la culture, et veut aller chercher de nouveaux financements dans le privé.

Le programme de François Fillon en matière culturelle reflète bien sa philosophie générale: pas de promesses de lendemains qui chantent, des économies, du libéralisme, et un poids accru du secteur privé. "Il n'y aura pas de hausses de crédits, ni au niveau de l’État, ni à celui des collectivités territoriales", prévient clairement le candidat des Républicains à l'élection présidentielle.

Toutefois, il n'y aura pas de baisse non plus: "l'État doit [...] sanctuariser à 1% de manière réelle, c'est-à-dire à périmètre constant, le budget de la culture [dans le budget général]", promet son programme culturel, élaboré notamment par son conseiller Jean de Boishue, et l'épouse de celui-ci Muriel Genthon. La productrice Frédérique Dumas, conseillère régionale UDI, a également participé à l'élaboration, mais a ensuite pris ses distances suite au discours de François Fillon à Sablé-sur-Sarthe fin août.

Seul un domaine échappe au gel des dépenses: l'entretien du patrimoine, dont le budget passera de 326 millions d'euros en 2016 à 400 millions d'euros par an sur tout le quinquennat, soit au total 2 milliards d'euros.

Aller chercher de l'argent dans le privé

Dès lors, l'ancien Premier ministre s'interroge: "Comment donner un nouvel élan, sans augmenter les dépenses de l’État? Il faut aller chercher les ressources là où elles sont encore disponibles: mécénat, financement participatif (crowdfunding), partenariats publics privés (notamment avec les acteurs du tourisme), revenus du tourisme, tournages de films étrangers..."

Par exemple, "les régions pourront conditionner l’octroi d’une part de leurs subventions à des projets ayant déjà rassemblé une part majoritaire des fonds nécessaires au travers d’une collecte participative. L'investissement des citoyens correspondra à des préventes".

Autre exemple: François Fillon compte demander aux musées, théâtres publics, etc... de "développer une action de levée de fonds plus systématique à travers le mécénat et la publicité. Ce n’est en rien indigne. C’est nécessaire. Et l’expérience a montré que c’est possible".

Autre piste: "Élargir les heures d'ouverture des établissements culturels" grâce à des bénévoles et des jeunes effectuant un service civique culturel.

Plus facile à dire qu'à faire

Dans d'autres cas, le financement des mesures proposées par François Fillon repose sur les collectivités territoriales (comme "l'ouverture de 1.000 pépinières d'artistes"), voire même n'est pas abordé du tout (comme un vaste programme européen dans les images de synthèse et la 3D).

Et de toutes façons, recourir au secteur privé ne dégagera sans doute pas des ressources importantes. Le mécénat culturel est en chute libre: il est tombé à 500 millions d'euros, deux fois moins qu'en 2008. Le crowdfunding, s'il permet juste de recevoir plus tôt le produit de la vente des billets, ne créera pas de recettes nouvelles.

Extension de la redevance aux ordinateurs

Enfin, les tournages de films étrangers, avant de rapporter de l'argent, bénéficient surtout d'importantes subventions, via un crédit d'impôt. François Fillon propose même d''élargir" ce crédit d'impôt, car "la fiscalité continue de nous priver de certains tournages. Il faut donc lever les barrières fiscales qui nous handicapent inutilement". 

Si les producteurs verront donc leur impôt allégé, les ménages verront au contraire leur impôt s'alourdir. Car François Fillon veut désormais faire payer la redevance audiovisuelle (actuellement de 137 euros par mois) à ceux qui regardent la télévision sur ordinateur: "Une redevance élargie à tous les vecteurs de diffusion des programmes de télévision devra être envisagée".

Cure d'austérité pour les intermittents

Le député de Paris prévoit d'appliquer une cure d'austérité au régime des intermittents du spectacle, qui perd actuellement près d'un milliard d'euros par an. En pratique, il "propose d'exclure toute forme d'emploi permanent et notamment les programmes d'émission de flux". En effet, une bonne part des intermittents (14% en 2005) occupent en réalité des emplois permanents, notamment dans l'audiovisuel

Par ailleurs, François Fillon laisse entendre qu'il pourrait réduire le nombre de chaînes publiques diffusées en TNT, en en rapatriant certaines sur le web: il "lancera une mission de réflexion sur l’adaptation de l’offre du service public aux nouveaux moyens de diffusion numériques. Cette mission aura pour but d’adapter l’offre aux nouveaux objectifs fixés et les moyens de diffusion nécessaires pour la déployer, le hertzien ne pouvant plus être la réponse unique". Il exige aussi que le service public accorde "une plus grande place à la culture française".

Enfin, côté piratage, le candidat veut "conforter l’Hadopi dans son rôle pédagogique, voire la renforcer". Il veut aussi infliger des "amendes administratives" aux pirates, qui aujourd'hui sont passibles seulement d'amendes infligées par les juges. 

Critique de l'élitisme de la culture de gauche

"La fracture culturelle est forte entre les initiés et les autres, entre Paris, les métropoles et le reste de la France. Notamment pour les jeunes qui ont parfois l’impression d’être les «délaissés» de la culture... Malgré de nombreuses tentatives et les incantations répétées de la gauche, l’éducation à la culture et à la pratique artistique restent réservées à une minorité. La culture reste trop souvent perçue comme un luxe élitiste... Pourtant, alors que la culture constituait un marqueur de la gauche, celle-ci a abandonné toute ambition en la matière: la politique mollement mise en œuvre manque de vision et n'a abouti qu'à la baisse des crédits. Le ministère de la culture est à bout de souffle. Technocratique, parisien à l’excès, perçu comme le ministère de la subvention, il ne sait pas s'adapter aux enjeux du XXIe siècle. Il n’a pas su, non plus, prendre toute la mesure de la place prise par les collectivités territoriales dans l’action culturelle" (extrait du programme de François Fillon)

Jamal Henni