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Fusion EADS/BAE: le projet de la discorde

La  fusion entre EADS et BAE souffre du bras de fer engagé entre les Etats et les deux groupes

La fusion entre EADS et BAE souffre du bras de fer engagé entre les Etats et les deux groupes - -

Le projet de mégafusion aéronautique patine, en raison de divergences entre actionnaires, Etats et dirigeants des deux entreprises. Ce lundi 1er octobre, Lagardère a encore manifesté son mécontentement sur l’accord devant sceller l'union entre les deux entreprises. Tour d’horizon des différents obstacles au projet.

La mégafusion de l’aéronautique entre l’Européen EADS et le Britannique BAE Systems est-elle partie pour faire un flop? La question se pose tant les divergences entre Etats, actionnaires privés et dirigeants des deux groupes sont nombreuses. A tel point que la date du 10 octobre prochain, supposée être le jour où les deux groupes présenteront leur projet de fusion aux autorités de régulation britannique, semble de plus en plus compromise.

Voici les principaux points de blocages.

>Les actionnaires privés souhaitent quitter le navire

Ce lundi 1er octobre, Lagardère, qui détient 7,5% d’EADS a demandé à ce dernier et à son homologue britannique de revoir leur copie. Le conglomérat français s’estime lésé dans le projet de fusion qui répartit l’actionnariat de la future fusion à raison de 60% pour EADS et de 40% pour BAE Systems. Ce projet détruira le pacte d’actionnaire actuellement en vigueur au sein d’EADS, qui permettait à Lagardère de représenter les intérêts française avec 22,5% des droits de vote, comprenant également la participation direct de la France de 15 %. Il donnait également à Lagardère un droit de véto sur certains sujets (nomination au sein de la direction générale).

Or, le groupe français, qui souhaite se défausser le plus rapidement possible de sa participation, demande une compensation en échange de l’abandon de ce pacte. Ce que le projet ne prévoit pas pour l’instant. Il s'inquiète également de la chute en Bourse d'EADS, qui a dégringolé d'environ 15% depuis l'annonce du projet de fusion.

Du côté allemand, c’est le constructeur automobile Daimler qui représente actuellement les intérêts souverains dans EADS, à raison de 15% du capital pour 22,5% des droits de vote. Mais Daimler a depuis 2011 entamé des discussions pour céder la moitié de ses parts, au moins. Sauf surprise, Berlin devrait les récupérer, via la banque publique KfW.

> Les Etats veulent des garanties pour l'emploi

Berlin veille, en effet, jalousement à une influence équitable entre les parties allemand et français. Paris a d’ores et déjà annoncé qu’il gardera sa participation de 15% dans EADS, qui après dilution représentera 9% dans la nouvelle entité issue de la fusion. Voilà ce qui pousse Berlin à prendre une participation directe dans le capital d’EADS, pour préserver ses intérêts.

En plus des parts de Daimler, l’Allemagne pourrait prendre les 7,5% actuellement détenues par un consortium de régions et de banques publiques. Elle arriverait alors à la même participation que Paris.Mais, selon Reuters qui cite trois sources allemandes, Londres ne souhaiterait pas voir ses deux voisins européens détenir un niveau de participation aussi significatif. Cela obligerait, en effet, l'Etat britannique à monter également dans le capital de la future fusion, ce qui reviendrait cher.

En plus de ce subtil jeu d’équilibres nationaux, les Etats français et allemand s’opposent aux deux groupes industriels sur un point : les garanties pour l’emploi. Une partie de la négociation porte sur des garanties écrites, que Paris et Berlin veulent les plus fermes possible, explique une source proche du dossier citée par l’AFP. Or, EADS et BAE Systems entendent créer une entreprise qui opérerait "normalement sur le marché", ce qui implique de licencier quand la conjoncture économique l'exige. BAE Systems le fait sans états d'âme, en Grande-Bretagne comme aux Etats-Unis où il réalise près de la moitié de son activité.

> Des Etats-Unis qui voient d'un mauvais œil les influences étatiques

Enfin, outre Londres, les deux entreprises aussi s’inquiètent de la présence au capital des Etats allemands et français. La raison est simple : les Etats-Unis, pourraient exclure la future fusion de la liste des fournisseurs du Pentagone. Washington n’apprécie, en effet, guère les sociétés de Défense où les Etats ont une participation directe. 

Du coup, EADS tente de jouer la montre, en soulignant l’importance de la date du 10 octobre prochain. Tom Enders, patron du groupe estime que "plus le temps passe, plus le dossier risque de devenir complexe". Fabrice Brégier, PDG d’Airbus, filiale d’EADS, est allé jusqu’à dire que le respect de cette date est "absolument nécessaire".

Julien Marion et AFP