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Les gendarmes des télécoms et de la concurrence affichent une unité de façade

Le président de l'Arcep Jean-Ludovic Silicani et le président de l'Autorité de la concurrence Bruno Lasserre auditionnés par les députés le 10 avril

Le président de l'Arcep Jean-Ludovic Silicani et le président de l'Autorité de la concurrence Bruno Lasserre auditionnés par les députés le 10 avril - -

Le président de l'Arcep et celui de l'Autorité de la concurrence ont été auditionnés côte à côte par les députés, ce mercredi 10 avril. Ils ont rivalisé d'amabilités malgré leurs rapports exécrables.

En théorie, Bruno Lasserre et Jean-Ludovic Silicani avaient tout pour s'entendre. Ces deux brillants conseillers d'Etat sont tous deux à la tête d'une autorité indépendante: le premier est président de l'Autorité de la concurrence, le second de l'Autorité de régulation des télécoms (Arcep). Et sur le fond, ils sont sur la même ligne: ils sont tous deux favorables à l'arrivée d'un quatrième opérateur mobile.

Mais, en pratique, les rapports entre les deux hommes sont notoirement mauvais. Est-ce en raison du caratère ombrageux de Jean-Ludovic Silicani? Ou de l'intérêt marqué de Bruno Lasserre pour les télécoms -un domaine qu'il connaît par coeur depuis qu'il a été directeur général des P&T dans les années 90, puis failli être le premier président de l'Arcep?

Ce n'est donc pas sans malice que les députés ont convoqué les deux hommes à une audition conjointe, ce mercredi 10 avril.

"Mon ami et collègue"

Devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, Jean-Ludovic Silicani a rivalisé d'amabilités sur Bruno Lasserre, "mon ami et collègue", assis juste à côté de lui. "Les rapports entre les deux autorités sont très bons, et le resteront. Leur travail est tout à fait complémentaire", a assuré le gendarme des télécoms.

Bruno Lasserre en a fait un peu moins. Il a rappelé que le gendarme de la concurrence consultait pour avis l'Arcep dans tout dossier télécoms. "Les avis de l'Arcep nourissent notre réflexion. Ce dialogue est une bonne chose. Les relations entre les deux autorités sont donc riches".

Pas de mariage entre gendarmes

Si, officiellement, c'est donc le grand amour entre les deux gendarmes, ils ne sont pas pour autant prêts à convoler en justes noces. Tous deux ont rejetté l'idée d'une fusion entre l'Arcep et l'Autorité de la concurrence, avec le même argument: les missions de l'Arcep ne se limitent pas à instaurer la concurrence. "Je ne suis pas favorable à une fusion. Je ne vois pas quel gain on pourrait en retirer. Chacun a un métier différent et complémentaire", a dit Bruno Lasserre, qui, toutefois, estime que, "au fur et à mesure que la concurrence s'installe", la régulation a priori effectuée par l'Arcep devrait diminuer au profit d'une régulation a posteriori menée par l'Autorité de la concurrence.

De son côté, Jean-Ludovic Silicani a estimé que l'Arcep "devrait être utile encore quelques temps..."

"Je ne suis pas du tout marxiste"

Durant l'audition, chacun des deux gendarmes a essayé de tirer la couverture à lui.

Vérifier par anticipation que Free déploie bien son réseau? L'idée figure dans l'avis de l'Autorité de la concurrence publié en mars 2013. Mais Jean-Ludovic Silicani a répété que c'est bien lui qui "l'avait dit dès mars 2012".

Se pencher sur le marché opaque du trafic internet entre site web et fournisseurs d'accès? Bruno Lasserre a rappelé avoir pris une décision sur le sujet en septembre 2012. Mais Jean-Ludovic Silicani n'a pas laissé passer cela: "nous sommes le régulateur qui a agi le plus sur le sujet en Europe".

Enfin, Jean-Ludoivic Silicani s'est livré à quelques considérations personnelles: il a rappelé qu'il avait "une lointaine formation d'ingénieur", qu'il "aurait bien aimé être architecte", et qu'il "n'était pas du tout marxiste". Mais il n'y avait guère de doutes sur le sujet...

Jamal Henni