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"Mes caissières sont meilleures en économie que les députés", assure le fondateur d'Auchan

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- - Philippe Huguen - AFP

Dans une interview au magazine Valeurs Actuelles, le fondateur d'Auchan raconte que les salariés de son groupe doivent impérativement suivre une formation en économie pour en devenir actionnaires.

"Je trouverais anormal que mes petits-enfants puissent dépenser aussi facilement leur argent sans qu'on leur ait appris avant ce qu'était l'économie." Pour Gérard Mulliez, le fondateur d'Auchan, une bonne partie des problèmes que rencontre la France aujourd'hui est liée à notre méconnaissance "dramatique" de l'économie. C'est ce qu'il explique dans une interview cette semaine au magazine Valeurs Actuelles. Et, à l'en croire, lui-même serait un autodidacte en la matière. 

"Lorsque j’avais 10 ans, mon père m’a donné, comme d’ailleurs à mes frères, un petit lopin de terre pour que je puisse y faire pousser des légumes et y élever des poules et des lapins. Ma mère m’achetait des carottes, des radis, des salades et des oeufs. Nous avons appris à bêcher, semer, arroser, à nourrir les animaux… C’est l’éducation de base qui nous permet d’être pragmatiques."

Un pragmatisme qu'il tente d'appliquer dans ses magasins avec ses salariés. Le groupe a en effet mis en place l'actionnariat salarié en 1976 et compte aujourd'hui 165.000 actionnaires qui détiennent 10% du capital d'Auchan. Mais pour acquérir des parts du groupe de distribution, les collaborateurs doivent suivre des cours d'économie. 

"Que l’on paie l’ISF sur sa résidence principale ou secondaire, pourquoi pas?"

"Nous avons finalement mis en place un enseignement d’une durée de dix-huit heures avec l’aide de la faculté catholique de Lille. Je suis persuadé qu’aujourd’hui nos hôtesses de caisse comprennent mieux l’économie que la moyenne des députés."

Une petite pique à l'encontre d'élus qu'il ne porterait pas dans son coeur? Pas du tout. Pour, lui c'est une certitude: "C’est simple à comprendre. Un homme politique est élu par ses électeurs. Après, il n’a plus qu’à faire carrière en votant 'pour' ses électeurs, même s’il est convaincu qu’il faudrait faire le contraire", explique-t-il. 

Les hommes politiques intellectualiseraient les problèmes en appliquant les recettes du passé. Il cite ainsi l'exemple de l'ISF qui détruirait nombre d'emplois en France.

"Que l’on paie l’ISF sur sa résidence principale ou secondaire, pourquoi pas? Je l’accepte, c’est une participation à la communauté. En revanche, taxer celui qui détient des parts d’une entreprise est un non-sens économique. C’est simple à comprendre. Celui qui possède des actions et qui est redevable à l’ISF exigera de l’entreprise qu’elle lui verse un dividende lui permettant de payer cet impôt. Cela se traduit immédiatement pour l’entreprise par de l’investissement, de la recherche et du développement en moins."

Augmenter la TVA et supprimer les charges sociales

Et si lui, Gérard Mulliez, était ministre de l'économie, quelle mesure prendrait-il urgemment? Il en cite deux et elles ne seraient effectivement pas très populaires. Augmenter la TVA et supprimer les charges sociales sur les salaires d'une part et laisser plus de souplesse en ce qui concerne le temps de travail. 

"Lorsque Jacques Delors était ministre de l’Économie, en 1981, je lui ai dit: 'Jacques, si on ne supprime pas les charges sociales sur les salaires de nos ouvriers du textile, il n’y aura plus de textile dans dix ans. Tu n’as qu’à augmenter la TVA sur la vente des produits à la place des charges sociales, et du coup les produits importés payeront aussi les charges sociales, le différentiel avec l’importation sera moindre et les entreprises françaises seront plus compétitives'. Il m’a répondu que c’était impossible, car la TVA allemande était moins forte que la nôtre. Aujourd’hui, les Allemands ont une taxe quasi plus forte qu’en France et peu de charges sur les salaires. Et nous, nous n’avons plus d’industrie textile..."
Frédéric Bianchi