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Germanwings: comment éviter un nouveau crash volontaire?

L'avion de la Germanwings

L'avion de la Germanwings - BEA

"Les experts du BEA, dans leur rapport final sur le crash de la Germanwings, proposent de renforcer le suivi médical des pilotes. "

Les experts du Bureau d'Enquêtes et d'Analyses (BEA) ont recommandé dimanche 13 mars un renforcement du contrôle médical et psychologique des pilotes afin d'améliorer la sécurité des vols. 

Dans son rapport définitif sur l'accident de la Germanwings rendu public au Bourget, le BEA émet des recommandations de sécurité "pour effectuer une analyse régulière des incapacités de vol, en particulier pour des problèmes psychologiques ou psychiatriques".

Il estime en particulier nécessaire de "définir des règles faisant obligation aux prestataires de soins de santé d'informer les autorités compétentes lorsque la santé d'un patient a de forts risques d'affecter la sécurité publique".

Rompre le secret médical

Le BEA a prôné des "règles claires" afin d'autoriser la rupture du secret médical en cas de troubles psychologiques d'un pilote. "Des règles plus claires doivent être exigées pour savoir quand il est nécessaire de rompre le secret médical", a déclaré Arnaud Desjardins, expert chargé de l'enquête sur cet accident. "Plusieurs médecins privés avaient l'information (indiquant qu'Andreas Lubitz, le copilote qui a précipité la chute de l'appareil, ndlr) était malade" et "cette information n'est pas parvenue aux autorités aéronautiques ni à l'employeur Germanwings", a-t-il ajouté lors de la présentation à la presse du rapport final sur l'accident, au Bourget.

Dans le rapport définitif, le BEA recommande encore "que les conditions de suivi des pilotes avec des antécédents de troubles psychologiques soient définies (précisément, ndlr) quand ils sont déclarés aptes à voler".

Mais le BEA insiste aussi sur la nécessité de "mesures d'accompagnement" afin de prendre en compte une éventuelle "réticence des pilotes à déclarer leurs problèmes et à solliciter une assistance médicale par crainte de perdre leur licence".

Pas de seconde personne obligatoire

En revanche, le BEA ne fait pas mention de la présence obligatoire d'une deuxième personne en permanence dans le cockpit, mesure appliquée par la plupart des compagnies aériennes en Europe depuis le crash de la Germanwings. Cette disposition a été préconisée par l'Agence européenne de sécurité aérienne (EASA).

Dans le rapport, le BEA ne recommande pas non plus de modifications au système actuel en vigueur depuis les attentats du 11 septembre qui prévoit qu'une fois verrouillée depuis la cabine, la porte du cockpit ne peut pas être ouverte de l'extérieur. "Il n'y aucun changement de conception (du verrouillage) de la porte qui vise à protéger le cockpit de l'intrusion qui vient dans la cabine", a déclaré Rémy Jouty directeur du BEA, en soulignant que "le risque terroriste est toujours là".

Ces recommandations n'ont pas de caractère obligatoire mais les rapports du BEA font autorité dans la communauté aéronautique.

Le crash volontaire de l'A320 de la Germanwings le 24 mars 2015 dans les Alpes, avait fait 150 morts, dont 6 membres d'équipage.

-Évaluation médicale de pilotes présentant des problèmes de santé mentale: Le BEA recommande que l'AESA (l'Agence européenne de sécurité aérienne) "exige que, lorsqu'un certificat médical de classe 1 est délivré à un candidat ayant des antécédents de troubles psychologiques/psychiatriques de quelque nature que ce soit, les conditions de suivi de son aptitude à voler soient définies. Cela peut inclure des restrictions sur la durée du certificat ou d'autres limitations opérationnelles et la nécessité d'une évaluation psychiatrique spécifique pour les prorogations ou renouvellements subséquents."

-Analyse régulière des incapacités en vol: Le BEA recommande que l'AESA "intègre dans le plan européen pour la sécurité aérienne à l'attention des États membres de l'UE une action pour effectuer une analyse de routine d'incapacité en vol ciblant en particulier, mais sans s'y limiter, les problèmes psychologiques ou psychiatriques, pour permettre la réévaluation continue des critères d'évaluation médicale, pour améliorer l'expression du risque d'incapacité en vol en termes numériques et pour encourager la collecte de données afin de valider l'efficacité de ces critères."

-Atténuation des conséquences de la perte de licence: Le BEA recommande que "l'AESA veille à ce que les exploitants européens incluent dans leurs systèmes de gestion des mesures destinées à atténuer les risques socio-économiques pour leur pilotes liés à une perte de licence pour raisons médicales". Le directeur du BEA, Rémy Jouty, a cité des assurances pour la perte de licence.

-Médicaments antidépresseurs et aptitude au vol: Le BEA recommande que "l'AESA définisse les modalités selon lesquelles les règlements européens permettraient aux pilotes d'être déclarés aptes à voler tout en prenant des médicaments antidépresseurs sous surveillance médicale."

- Équilibre entre secret médical et sécurité publique: Le BEA recommande que "l'Organisation Mondiale de la Santé élabore des lignes directrices pour ses États membres afin de les aider à définir des règles claires faisant obligation aux prestataires de soins de santé d'informer les autorités compétentes lorsque la santé d'un patient spécifique a de fortes chances d'affecter la sécurité publique, y compris lorsque le patient refuse d'y consentir, sans risque juridique pour le prestataire de soins de santé, tout en protégeant les données personnelles des patients contre toute divulgation inutile." Le BEA fait la même recommandation à la Commission européenne pour définir des règles claires. "Ces règles devraient tenir compte des spécificités des pilotes, pour lesquels le risque de perdre leur certificat médical, qui constitue non seulement une question financière mais touche également à leur passion pour le vol, est susceptible de les dissuader de demander des soins de santé appropriés." Le BEA préconise aussi que "sans attendre une action au niveau de l'Union européenne, le BMVI (ministère allemand des Transports) et le Bundesärztekammer (BÄK, ordre des médecins) publient des lignes directrices pour tous les prestataires de soins de santé allemands: 
*leur rappelant qu'il leur est possible de rompre le secret médical et de signaler à la LBA (autorité allemande de l'aviation civile) ou à toute autre autorité compétente lorsque la santé d'un pilote professionnel présente un risque potentiel pour la sécurité du public.
*définissant ce qui peut être considéré comme un +Danger imminent+ et une +menace pour la sécurité publique+ lorsqu'ils traitent des problèmes de santé de pilotes.
*limitant la conséquence juridique pour les prestataires de soins de santé qui rompent le secret médical de bonne foi afin de réduire ou de prévenir une menace pour la sécurité publique."

-Promotion des programmes de soutien aux pilotes: Le BEA recommande que "l'AESA veille à ce que les exploitants européens encouragent la mise en place de groupes de soutien afin d'offrir aux pilotes, à leurs familles et à leurs pairs un procédé permettant de signaler et de discuter de questions personnelles et de santé mentale, avec l'assurance que les informations seront conservées confidentielles dans un environnement professionnel fondé sur la culture juste, et que les pilotes seront soutenus et guidés aux fins de leur apporter de l'aide, d'assurer la sécurité des vols et de leur permettre de reprendre leurs fonctions de pilote, le cas échéant."

J. H. avec AFP