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Hamon veut aider l'audiovisuel public en étendant la redevance à tous les écrans

Le candidat socialiste a critiqué Vincent Bolloré à plusieurs reprises

Le candidat socialiste a critiqué Vincent Bolloré à plusieurs reprises - AFP Christophe Archambault

Le candidat socialiste à la présidentielle a exposé ce jeudi son programme en matière de médias. Il veut conforter l'audiovisuel public, et lutter contre la concentration des médias privés.

Dans cette campagne présidentielle où politiques et journalistes se regardent en chien de faïence, la plupart des candidats critiquent allègrement les médias. Invités ce jeudi par l'Udecam (le syndicat des agences média) à détailler leur programme en la matière, trois d'entre eux (Marine Le Pen, François Fillon et Jean-Luc Mélenchon) avaient accepté, avant de finalement déclarer forfait. 

Seul à tenir son engagement, Benoît Hamon s'est toutefois livré à un "gentil bashing". "Il y a une vraie crise de confiance dans les médias. Et cette défiance entretient un malaise dans notre démocratie. Cela n'a évidemment rien à voir avec le fait que vous ayez tous prévu que la Grande-Bretagne resterait dans l'Union, qu'Hillary Clinton serait élue présidente, ou que je sois aujourd'hui devant vous [comme candidat à la présidentielle]", a-t-il ironisé. S''adressant aux journalistes qui l'interrogeait, il a leur a reproché de "s'être un tout petit peu trompé" sur le résultat des primaires, ajoutant: "pour ceux qui prédisent ce qui va se passer, il est difficile d'être instruit par l'expérience".

Bolloré critiqué

Autre cible: Vincent Bolloré: "Je ne trouve pas que l'année fut particulièrement exemplaire de la part du groupe Bolloré à l'égard de Canal Plus et d'iTélé. Ce qui s'est passé dans la rédaction d'iTélé n'est pas normal, et est caractéristique de ces dérives. La déprogrammation par Canal Plus du documentaire sur le Crédit mutuel n'est pas normale. [...] Il y a eu une trentaine d'articles sur Autolib dans Direct Matin sans rappeler que le propriétaire est le même. [...] Je ne vois pas bien où va la stratégie de Canal Plus. Je suis inquiet de la stratégie de Canal demain [pour le financement du cinéma] si le nombre d'abonnés continue à chuter..."

Mais le candidat socialiste a critiqué plus globalement la détention des médias par de "grands acteurs de l'immobilier ou de la téléphonie": "ce n'est pas neutre de vivre de la commande publique et de disposer d'une chaîne de télévision".

Une grande loi anti-concentration

Bref, Benoît Hamon "souhaite lutter contre la concentration dont on a bien vu les conséquences". Et d'ajouter: "Si nous voulons améliorer la confiance de nos concitoyens dans les médias et la qualité de l'information qu'ils délivrent, nous ne pouvons pas continuer avec une situation de sur-concentration des médias." Pour y remédier, il a promis une grande loi "anti-concentration, anti-trust et transparence", qui serait "bonne pour la démocratie".

En pratique, "les journaux devront faire la transparence sur leurs propriétaires". "Cela suppose l'indépendance des rédactions", mais aussi de "maintenir le plus possible l'étanchéité avec la commande publique".

Surtout, le programme de Benoît Hamon prévoit qu'un groupe ne pourrait détenir plus de 40% du capital d'un média, et plus de 20% du capital de deux médias. 

Auditeur de France Inter depuis 20 ans

Benoît Hamon, qui a confié "écouter France Inter le matin depuis 20 ans", a aussi esquissé son projet pour l'audiovisuel public. Il veut "maintenir le niveau de son financement". Pour cela, il faudra "sans doute élargir l'assiette de la redevance, par exemple aux résidences secondaires et à tous les supports par lesquels on consomme la télévision". Rappelons que la redevance ne s'applique aujourd'hui qu'au téléviseur de la résidence principale. Le candidat a même confié ne pas avoir lui-même de téléviseur, et regarder la télévision sur ordinateur...

Quant à la publicité sur France Télévisions, son programme de la primaire promettait de la supprimer totalement. Jeudi, il a nuancé son propos: "J'aimerais que le service public soit totalement libéré de la contrainte publicitaire. Ce serait l'idéal, c'est l'objectif. Mais j'hésite encore. Ce serait difficile à mettre en oeuvre tout de suite", car il s'agit d'une "recette importante" (321 millions d'euros en 2015).

Benoît Hamon a aussi souhaité que le président des chaînes publiques soit désormais nommé par leur conseil d'administration, "sur le modèle de l'AFP", et retirer ce pouvoir au CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel), "dont on peut considérer qu'il est juge et partie". Selon lui, il n'est pas nécessaire de réduire le nombre de chaînes du service public. La dernière née, France info, étant à ses yeux une "bonne chose". Enfin, il a promis d'"assouplir les décrets Tasca" afin de permettre aux chaînes publiques de produire davantage de contenus en interne, "pour ressembler à la BBC qui un des modèles les plus exemplaires".

Favoriser les nouveaux médias

Enfin, et non des moindres, il veut aider à la création de nouveaux médias indépendants. D'une part, en "ouvrant les fonds de dotation" aux médias d'information -une revendication de Médiapart. D'autre part, "en créant un nouveau statut de sociétés de médias à but non lucratif", alimenté par des dons des citoyens. Chaque don permettrait de réduire ses impôts, mais serait aussi abondé par l'Etat: "100 euros de dons générant immédiatement 200 euros apportés par l'Etat'. En outre, la BPI proposera aux nouveaux médias des "prêts à taux zéro avec une maturité de trois ans". 

Quant aux aides à la presse, il les "maintiendra" mais en les rendant "plus lisibles et plus efficaces". Benoît Hamon a également indiqué qu'il voulait renforcer la protection des sources des journalistes.

Côté internet, plusieurs propositions ont été faites. "Ni le CSA ni l'Arcep ne s'occupent des contenus internet. Il faut donc davantage de régulation et de synergies entre les deux". Surtout, pour mettre fin à "une distorsion de concurrence insupportable", le candidat veut faire payer les géants de l'internet, en les taxant doublement. D'une part, en leur faisant payer l'impôt sur les bénéfices provenant de leur activité en France. D'autre part, en les obligeant à financer la création française.

Jamal Henni