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Homologation des voitures: ce que l'Europe veut changer 

La Commission européenne souhaite des procédures d'homologation mieux contrôlées.

La Commission européenne souhaite des procédures d'homologation mieux contrôlées. - Ruben de Rijcke - Flickr

La Commission européenne a fait le 27 janvier une série de propositions pour amener plus de transparence autour des procédures d’homologation des véhicules, suite au scandale VW. Objectif: favoriser l’échange de données pour mieux détecter les modèles ne respectant pas les normes.

Mise en accusation suite au scandale Volkswagen, la Commission européenne réagit. Dans une série de propositions législatives adoptées le 27 janvier, elle propose de mieux encadrer l’homologation des véhicules pour plus de transparence dans un processus technique très compliqué. Et qui le sera encore plus en 2017, quand il faudra doubler les tests d’homologation sur banc par des tests en conduite réelle.

Des centres plus indépendants

Le texte a trois grands objectifs. Tout d’abord, "accroître l’indépendance et la qualité des essais permettant à une voiture d'être mise sur le marché". La Commission souhaite revoir le financement des organismes d’homologation, souvent abondés par les constructeurs, comme l’UTAC (Union Technique de l'Automobile et du Cycle) en France par exemple.

"Il faut couper le lien ombilical entre les centres techniques, les constructeurs, et surtout couper le lien ombilical entre les constructeurs et les Etats, réclame Pascal Durand, député européen Europe-Ecologie-Les Verts et membre de la Commission du Marché intérieur au Parlement. Il faut mettre en place des agences indépendantes, contrôlées par une agence européenne".

Avoir un même cadre technique

Le second objectif est donc de mettre en place une supervision européenne des centres, qui devront être soumis à des audits réguliers, mais aussi une supervision de l’homologation elle-même. "La réglementation sur les normes environnementales est européenne. Il faut donc créer un espace d'action commun", martèle Pascal Durand.

"La réglementation européenne sur les normes environnementales est un texte juridique, toute la question est donc de savoir quelle interprétation on en fait, ajoute Bertrand-Olivier Ducreux, ingénieur au service Transports et mobilité de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Le minimum est de s’assurer que tout le monde a bien la même lecture du texte". Or aujourd’hui, ce n’est clairement pas le cas, notamment sur les conditions pour réaliser les tests d’homologation des véhicules.

Les agences nationales comme l’UTAC en France ou le KBA (Kraftfahrt-Bundesamt) en Allemagne échangent déjà les résultats des tests, mais échangent peu sur le protocole mis en place sur les bancs pour réaliser les homologations en laboratoire.

Luxembourg et Malte dans le viseur

Certains organismes nationaux sont réputés très laxistes sur les conditions des tests d’homologation, comme le Luxembourg ou Malte. Or, quand un véhicule est homologué dans un pays, ce certificat vaut dans toute l’Union européenne sans contrôle ultérieur. La Commission prévoit donc la possibilité pour chaque Etat de contrôler les véhicules déjà en circulation et de "prendre des mesures de sauvegarde contre les véhicules non conformes sur leur territoire, sans attendre que l'autorité qui a délivré la réception par type agisse".

Cela va cependant demander un peu d’adaptation. En 2016, pour récupérer les résultats techniques d’un véhicule allemand, l’UTAC doit passer par le ministère français de l’Environnement, qui demande les chiffres à son homologue allemand, qu’il récupère au KBA. Qui a parlé d'une usine à gaz?

Mettre en place un contrôle européen

C’est certainement pour éviter ce problème que le troisième objectif de la Commission est de mettre en place une supervision européenne plus forte, des contrôles et des amendes (jusqu'à 30.000 euros par véhicule), à l’image des agences fédérales américaines. "Tout ce qui va dans le sens de la transparence et de la confiance des consommateurs va dans le bon sens. Si c’est un organisme central européen, ça ne peut être que plus crédible, se félicite le patron d’un grand équipementier, qui ajoute rapidement: Mais la filière automobile ne se résume pas aux seuls constructeurs. Nous avons de nombreuses solutions techniques disponibles. Les technologies pour réduire les émissions sont maîtrisées par les équipementiers".

Sortir de la culture du secret

Pour Guillaume Crunelle, associé en charge du secteur automobile chez Deloitte, les propositions de la Commission sont classiques face à une crise majeure dans l’économie européenne. "En revanche, l’atmosphère actuelle a amené un changement de mentalités qui forcera les constructeurs à divulguer des informations qu’ils considéraient jusqu’à présent comme des secrets industriels, analyse Guillaume Crunelle. Quand on demande aux constructeurs les accès à leur protocole logiciel, dans le cadre de tests mis en place par des Etats, et d’expliquer leur stratégie technologique à long terme pour baisser les émissions, on leur demande de donner des informations considérées comme des avantages compétitifs. On se rapproche en cela de ce que font les Etats-Unis. C’est une vraie rupture".

Pauline Ducamp
https://twitter.com/PaulineDucamp Pauline Ducamp Rédactrice en chef adjointe web