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Charlie Hebdo: guerre de documentaires à Cannes

Les affiches des deux documentaires.

Les affiches des deux documentaires. - Jamal Henni - BFMBusiness

Deux documentaires invoquant l'esprit de l'hebdomadaire ont été présentés en marge du festival. Dans l'un d'eux, Cavanna critique vivement l'équipe menée par Philippe Val qui a relancé le journal en 1992.

Charlie Hebdo n'avait pas besoin de ça. A Paris, les survivants de l'équipe s'entredéchirent. Mais à Cannes aussi s'étalent conflits et rivalités.

Deux documentaires concurrents ont été présentés au Marché du film, réservé aux distributeurs: L’humour à mort de Daniel et Emmanuel Leconte, et Cavanna de Denis et Nina Robert. Leurs titres en anglais (respectivement I was Charlie et Cavanna, he was Charlie) sont même très proches, tentant tous d'eux d'invoquer l'esprit de l'hebdomadaire. A cela s’ajoute un troisième documentaire, toujours pas terminé, sur Cabu, mis en chantier par Laurent Boyer et Jean-Marie Pasquier.

Passer par la fenêtre

Mais aucun des trois films n’a été retenu pour la prestigieuse sélection officielle. Interrogé, le délégué général du festival Thierry Frémaux explique: "ce sont trois très bons documentaires, que j’ai regardés à titre personnel avec passion. Mais la présence française était si forte et pléthorique cette année qu’il a fallu faire des choix".

Cela n’a visiblement pas plu à Daniel Leconte, dont un film précédent sur l'hebdomadaire (C’est dur d’être aimé par des cons) avait été présenté en sélection officielle hors compétition à Cannes en 2008. Face à cette porte close, le réalisateur (qui n'a pas voulu répondre à nos questions) a tenté de passer par la fenêtre. Plusieurs sources concordantes confirment qu’il a fait passer des coups de fils pour accéder à la prestigieuse sélection officielle, comme l’indique l’Express. Mais en vain.

Documentaire mystère

Sans doute, Thierry Fremaux a aussi eu conscience que choisir un des documentaires revenait à prendre parti dans les âpres conflits opposants les différents intervenants. En particulier, une majorité de la rédaction de l’hebdomadaire a refusé de participer au documentaire de Daniel Leconte, a indiqué l’Express.

Savoir qui figure dans ce film relève même de la gageure. En effet, Daniel Leconte refuse de montrer son film à la presse (seuls les distributeurs ont eu droit à une projection), et même d'indiquer qui y a participé.

Il faut donc se reporter à l’affiche du film pour avoir quelques indications. Selon celle-ci, ont participé au film le rédacteur en chef Gérard Briard, le directeur de la rédaction Riss, la dessinatrice Coco, le journaliste Antonio Fischetti, le directeur financier Eric Portheault, la DRH Marika Bret, et l’avocat Richard Malka. Mais manquent à l’appel notamment le dessinateur Luz ou le chroniqueur Patrick Pelloux.

L’affiche du film annonce aussi la participation de l’ancien directeur de la rédaction Philippe Val, de la philosophe Elisabeth Badinter, et même de François Hollande. Les regrettés Cabu, Charb et Tignous sont aussi annoncés, a priori via des images d’archives, car le documentaire a été mis en chantier deux semaines après les attentats…

Cavanna dézingue Philippe Val

En revanche, les projections du documentaire sur Cavanna (qui sort en salles le 17 juin) ont été ouvertes à la presse. Y figurent des entretiens réalisés avec l'écrivain avant son décès, le 29 janvier 2014. Et le cofondateur de Charlie Hebdo en 1969 n'est pas tendre avec l'équipe de Philippe Val qui a relancé Charlie Hebdo en 1992. Il raconte que Choron lui reprochait de participer à cette relance: "Choron me disait: 'pourquoi vas-tu avec cette bande de cons?' Cette bande de cons, c'était surtout Val... Choron me disait: 'il ne faut pas y aller'. Et il avait raison: il ne fallait pas y aller".

Cavanna ajoute: "cela fait plusieurs années que je suis en conflit avec eux. Le passage de Val a été une tornade qui me laisse complètement désillusionné et à poil. Et les autres aussi, d'ailleurs. J'ai agi par faiblesse. Je me suis fait avoir tout le temps". 

A qui appartient le nom Charlie Hebdo?

Le documentaire contient aussi un témoignage de Delfeil de Ton, autre historique de Charlie Hebdo, qui raconte les conditions accordées à Cavanna par la nouvelle équipe: "Cavanna n'était rien, il n'était pas dirigeant, il n'avait pas de parts (du capital). Il avait juste droit à 0,4% du chiffre d'affaires, un chiffre ridicule. Comme il n'avait pas de retraite, il a fallu qu'il écrive dans Charlie pour pouvoir vivre modestement".

Enfin et non des moindres, Delfeil de Ton raconte que le titre Charlie Hebdo avait été trouvé en 1969 par Choron, mais qui ne l'avait jamais déposé. Et lorsque Choron réclamera en justice la paternité du titre en 1992, il perdra. "Lors du procès intenté par Choron, on a menti, on a témoigné que Cavanna avait inventé le titre", raconte Delfeil de Ton.

Jamal Henni à Cannes