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Jean-Marie Messier confronté à sa communication trop optimiste

Jean-Marie Messier avec son avocat Pascal Wilhelm et sa compagne en juin 2010 lors du procès en première instance

Jean-Marie Messier avec son avocat Pascal Wilhelm et sa compagne en juin 2010 lors du procès en première instance - -

Le procès de l'ancien PDG de Vivendi se poursuit devant la cour d'appel. Mardi, il a dû répondre à ses déclarations minorant la dette du groupe.

Le procès en appel de Jean-Marie Messier est entré dans le vif du sujet lors de sa seconde journée, mardi 29 octobre. Enjeu: les déclarations enjolivées de l’ancien patron de Vivendi sur la dette du groupe.

Précisément, "J2M" avait déclaré dans une interview aux Echos du 11 décembre 2000 que les activités médias du groupe seront «vraiment net de dettes au 1er janvier 2001». Une déclaration reprise dans un communiqué du groupe le 19 décembre 2000.

Problème: à la clôture de l’exercice 2000, la dette nette des activités médias sera non point nulle, mais de 3,4 milliards d’euros.

«3,4 milliards, c’est quand même énorme!», s’étonne la présidente Mireille Filippini.

Droit dans ses bottes

L’ancien directeur financier Guillaume Hannezo ne tergiverse pas: il reconnaît d'emblée «une erreur de prévision dont je ne suis pas particulièrement fier». Il est d’autant plus à l’aise que ce n’est pas lui qui a donné l’interview, et qu’il assure n’avoir «ni rédigé, ni lu, ni relu» le communiqué trompeur.

En revanche, aucune contrition à attendre chez Jean-Marie Messier. Droit dans ses bottes, l’homme n’est pas du genre à reconnaître ses erreurs, ou alors quand elles sont subalternes: «j’ai commis un excès de communication, mais je l’ai chèrement payé». Ou alors quand il peut s’envoyer un compliment simultanément: «on m’a souvent dit qu’avoir raison trop tôt, c’est avoir tort».

Son mépris suinte même clairement quand les avocats des petits porteurs lui posent des questions (certes approximatives), et qu’il leur répond laconiquement en quelques mots, sans même se retourner pour les regarder.

Digressions et louvoiements

Donc J2M cherche des échappatoires. D’abord, il louvoie, se lançant dans d’interminables digressions sur des sujets de plus en plus éloignés, allant jusqu’à évoquer «le monde des vins et spiritueux qui est très concentré…»

Ensuite, J2M cherche des boucs émissaires: «j’assume le communiqué, mais je n’étais pas seul», dit-il, avant de lister les nombreuses personnes qui l’ont élaboré avec lui.

Puis J2M s’en prend au juge de première instance qui l’a condamné sur ce point pour «diffusion d’informations fausses ou trompeuses», le qualifiant même de «prestidigitateur de dettes». «J’ai été blessé et profondément choqué par les inexactitudes du jugement de première instance, plus imprégné par l’environnement médiatique que par la réalité des faits».

Enfin, J2M cherche des excuses techniques, expliquant qu’il était «particulièrement difficile» de calculer le montant exact de la dette, car Vivendi venait de fusionner avec Seagram et Canal Plus.

Une juge pugnace

Mais l’ex-PDG se retrouve face à une juge pugnace qui connaît très bien le dossier et lui retourne l’argument: s’il était difficile de chiffrer la dette, alors pourquoi avoir parlé d’une dette nulle? «Une dette de zéro, c’est accrocheur. Vous communiquez quand c’est favorable, mais pas quand ça l’est moins. C’est un peu bizarre, non?», lui lance-t-elle.

Après que la juge lui a répété dix ou vingt fois le chiffre de 3,4 milliards d’euros, J2M consent enfin à livrer quelques explications: «le 19 décembre 2000, nous n’avions pas certaines informations. La vente d’AOL [0,8 milliard d’euros] a été reportée à début 2001. Il y a eu des dérives sur le fonds de roulement chez Segram. Et Universal a beaucoup tourné car une grève des acteurs était prévue.» La présidente ironise: «tiens, c’est nouveau, c’est la première fois qu’on entend parler de cette grève» (en réalité, une grève a bien eu lieu, mais elle s’était étalée de mai à octobre 2000).

Dette sous le tapis

Taquine, la présidente Fiippini aborde ensuite les 12 milliards de dette de l’activité environnement (le futur Veolia), qui était alors détenue majoritairement par Vivendi, et devait donc être incluse. «Mais dans la communication des résultats de Vivendi, on met toujours sous le tapis la dette de l’environnement. L’environnement est toujours [signalé] en petit avec une astérisque, comme dans les publicités mensongères...».

Jean-Marie Messier explique alors que les résultats de l’environnement étaient communiqués séparément. Visiblement sans convaincre.

Jamal Henni