"L’Airbus des mers" avance à toute allure
Le français Naval Group et l’italien Fincantieri peaufinent les détails de leur alliance qui sera dévoilée fin mai. Une opération indispensable alors que leurs concurrents chinois et russes se renforcent dans le monde.
Derniers préparatifs avant le mariage. Fin mai, le Français Naval Group (ex-DCNS) présentera au gouvernement son projet de rapprochement avec son homologue italien Fincantieri. Les deux groupes planchent depuis six mois sur cette alliance, imaginée depuis des années, visant à créer un géant européen de la construction navale. Une opération indispensable pour rivaliser à l’irrésistible montée en puissance des pays émergents qui cassent les prix et rattrapent leur retard technologique.
Mercredi 11 avril s’est tenue une série de réunions avec les italiens, la direction générale de l’Armement et Bercy. Malgré l’incertitude dans la péninsule, "il n’y a pas de raison pour que le projet ne soit remis en cause", rassure une source proche du dossier. Un ultime round de négociations se tiendra mi-mai avant que l’Elysée ne valide cette alliance en juin. D’ici là, les États français et italien rédigeront un plan intergouvernemental visant à définir les domaines de coopérations ainsi qu’à soutenir ensemble les exportations des deux groupes. Ils délimiteront aussi les sujets de souveraineté exclus de l’alliance, comme les sous-marins nucléaires de Naval Group.
Renforcer les participations croisées
Cet avant-dernier point d’étape marque les avancées sérieuses des deux groupes depuis deux mois. Ils ont confirmé leur souhait de réaliser des participations croisées de 10% chacun dans le capital de l’autre. Mais surtout, une fois leur rapprochement approfondi dans plusieurs années, ces parts passeraient à 35% pour "renforcer les liens entre les deux groupes" confirme une source proche.
Le mariage entre Naval Group et Fincantieri se manifestera surtout par la création d’une coentreprise regroupant un maximum de coopérations. D’abord la R&D, qui pèse 100 millions d’euros côté français. Point essentiel, elle permet d’économiser de lourds investissements dans la conception des nouveaux navires. Au total, les deux groupes prévoient 300 millions d’euros de synergies à terme.
Leur union permet ainsi de proposer une gamme plus large de bateaux. Un atout important pour gagner des contrats à l’étranger. Les deux groupes ont d’ailleurs commencé à travailler sur des offres communes pour l’export. Quels modèles pour quel pays? Qui les construit? Naval Group et Fincantieri ont devant eux une centaine de contrats à conquérir dans le monde dans les dix prochaines années: en Finlande, en Allemagne, en Bulgarie, en Italie ou au Portugal. Le marché mondial va croître de 3 à 5% par an.
Thales, dernier obstacle
Mais les deux groupes font face à des concurrents des pays émergents très agressifs. C’est l’enjeu majeur de cette alliance franco-italienne: résister à aux déferlantes des Chinois et des Russes dans le monde… Leur force de frappe est démesurée. L’an passé, le budget de l’armée russe a augmenté de 14% quand celui de la France augmentera du même niveau d’ici 2025. Mais ce sont surtout les Chinois qui sont sur tous les fronts. Ils ont déjà vendu des frégates en Algérie, en Thaïlande et au Nigéria. "Au Pakistan, ils ont même cédé gratuitement des sous-marins pour pénétrer le marché", explique un bon connaisseur du marché.
Reste un point en suspens: l’avenir de Thales, actionnaire à 35% des anciens chantiers navals de Cherbourg. Naval Group ne souhaite pas que le fabricant de radars conserve sa position. "Thales ne peut plus avoir de position exclusive dans cette alliance, martèle un proche de Naval Group. Les italiens n’en veulent pas non plus!". Ils craignent que Thales ne soit ainsi privilégié au détriment de son concurrent italien Leonardo, qui ne sera pas actionnaire du futur groupe.
Selon nos informations, le premier actionnaire de Thales, les Dassault, seraient favorable à une baisse de la participation dans Naval Group. Les négociations semblent traîner pour faire monter les enchères. La participation de Thales vaut environ 600 millions d’euros.