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L'AMF requiert 300.000 euros d'amende contre Luc Besson

Luc Besson n'est pas venu défendre son cas devant le gendarme de la bourse

Luc Besson n'est pas venu défendre son cas devant le gendarme de la bourse - BFM Business

Selon le gendarme de la bourse, le studio de Luc Besson EuropaCorp a communiqué au marché des informations imprécises et inexactes.

Le gendarme boursier français a requis 300.000 euros d'amende contre EuropaCorp pour avoir donné aux investisseurs des informations comptables imprécises et inexactes en 2009 et 2010.

EuropaCorp est le studio de Luc Besson, qu'il a fondé, qu'il préside toujours, et dont il détient 44% du capital.

Les faits examinés devant la commission des sanctions de l'AMF (Autorité des marchés financiers) portent à la fois sur un communiqué du 15 avril 2010, et sur les comptes sur les exercices clos fin mars 2009 et 2010. 

Selon la représentante du collège des représentants de l'AMF, avec son communiqué du 15 avril 2010 qui évoquait seulement une marge opérationnelle "particulièrement réduite", quelques mois avant la publications de résultats pour la première fois négatifs, EuropaCorp avait "manqué à son obligation d'informer le public".

A cette date, le studio de Luc Besson "disposait d'informations plus précises" qui n'ont pas été apportées aux investisseurs, qui n'ont ainsi "pas pu apprécier la dégradation véritable" des comptes. "Mieux informés, ils auraient eu conscience" de résultats négatifs à venir", a-t-elle ajouté en estimant que le groupe n'avait donc "pas délivré une information précise, exacte et sincère".

Dépréciations insuffisamment justifiées

Concernant les comptes 2009 et 2010, les griefs portaient d'abord sur l'imprécision entourant les frais dits préliminaires engagés au démarrage d'un film et qui supposent d'immobiliser certaines sommes pour sécuriser les financements.

Les deux autres points concernaient les dépréciations concernant un logiciel d'exploitation de films dont la commercialisation a finalement été abandonnée, ainsi que la filiale Dog Productions qui essuyait des pertes aux dates concernées. Cette filiale spécialisée dans la réalisation de spots de pub avait été rachetée par EuropaCorp à Luc Besson en mai 2002 pour 2,6 millions d'euros. Dog Productions sera finalement dépréciée à zéro lors de l'exercice clos fin mars 2011.

Pour la représentante du collège, les montants des dépréciations inscrits dans les comptes n'étaient pas suffisamment justifiés, et leur impact significatif ne se reflétait pas dans les comptes. "Il est question de 5,9 millions d'euros pour un résultat de 9,3 millions d'euros au 31 mars 2009, et de 3 millions pour un résultat négatif de 9,8 millions d'euros au 31 mars 2010", a-t-elle détaillé. Sur l'exercice clos fin mars 2010, EuropaCorp avait en effet inscrit, pour la première fois depuis sa création en 2000, une perte à ses comptes.

Rôle des commissaires aux comptes

Le collège des représentants de l'AMF a en outre demandé une sanction de 100.000 euros contre chacun des deux commissaires aux comptes d'EuropaCorp à l'époque, à savoir les sociétés Ernst and Young et Ledouble.

Alors que la rapporteuse de la commission des sanctions a plaidé pour que les deux commissaires aux comptes soient mis hors de cause, le collège de l'AMF a estimé pour sa part qu'ils "auraient dû savoir" que toutes ces informations étaient "imprécises et inexactes" et que dans la mesure où ils ont certifié l'intégralité des comptes, ils ne peuvent être dédouanés.

A la date du communiqué, EuropaCorp "n'avait pas d'autre choix que de donner des informations qualitatives", et en lisant que la marge opérationnelle allait être particulièrement réduite, "un lecteur averti et raisonnable était à même de déduire" la signification de cette alerte, a expliqué la défense de la société. Et d'ailleurs, "les analystes financiers en ont tiré les conséquences" dès le lendemain en modifiant leurs prévisions de résultats, a-t-elle complété.

Aucun des dirigeants d'EuropaCorp n'était présent à l'audience de ce vendredi 10 octobre. Mi-2011, le directeur général Christophe Lambert avait annoncé lui-même l'ouverture de l'enquête de l'AMF, en affirmant que cette enquête était lancée à la demande de la société...

Contactée, la porte-parole d'EuropaCorp n'a pas répondu.

Les problèmes de gouvernance chez EuropaCorp

Plusieurs problèmes sont apparus ces dernières années au sein du studio de Luc Besson, mais qui n'ont apparemment pas été retenus par l'AMF:

*Pierre-Angle Le Pogam, co-fondateur, administrateur et directeur du développement, a démissionné le 26 novembre 2010, mais cette démission restera secrète jusqu'à sa révélation deux mois plus tard dans le Point. La société répond qu'elle n'était pas obligée de rendre publique immédiatement cette démission, car des négociations étaient en cours pour un départ amiable.

*Gérald Van Kemmel, administrateur d'EuropaCorp de 2008 à 2012, a une fille qui était salariée de Blue Advertainment, société détenue à 51% par Luc Besson. Ce lien n'a pas été rendu public par EuropaCorp, qui a toujours considéré Gerald Van Kemmel comme un administrateur indépendant. La société répond qu'elle n'était pas obligé de faire état de ce lien, car Blue n'était pas (à l'époque) détenue par EuropaCorp.

*Grégoire Chertok, associé gérant chez Rothschild & Cie, a été administrateur d'EuropaCorp de 2009 à 2012. La banque Rotschild a été le coordinateur global de l'introduction en bourse d'EuropaCorp en 2007, le détenteur du contrat de liquidité jusqu'en 2009, et le conseil sur plusieurs opérations: financement de la Cité du cinéma en 2010, levée de fonds de 2012. Ces différentes prestations n'ont pas fait l'objet de conventions réglementées. Et EuropaCorp a toujours considéré que Grégoire Chertok était un administrateur indépendant.

*outre ses dividendes, Luc Besson reçoit aussi d'EuropaCorp une rémunération en tant que scénariste et réalisateur. Mais le titre des films correspondants n'est pas publié dans le document de référence. Et ces rémunérations ne font pas partie des conventions réglementées. La société répond que "les commissaires aux comptes vérifient que le prix des scénarii sont conformes aux conditions de marché".

Jamal Henni avec AFP