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L’arrivée de Canal + sur la TNT gratuite retardée ?

L'Autorité craint que le rachat de Direct 8 et Direct Star par Canal + ne nuise à la concurrence

L'Autorité craint que le rachat de Direct 8 et Direct Star par Canal + ne nuise à la concurrence - -

La chaîne cryptée va devoir revoir sa copie sur le rachat au groupe Bolloré de Direct 8 et Direct Star. L'Autorité de la concurrence a annoncé mardi ouvrir une phase d'examen approfondi à cause du risque d'atteinte à la concurrence.

Canal ne va pas pouvoir faire son irruption dans la télé gratuite aussi facilement que prévu. L’Autorité de la concurrence estime que le rachat par Canal + de Direct 8 et Direct Star pourrait lui permettre de "restreindre la concurrence", notamment concernant l'achat de films et de séries. 

Elle craint en fait que la quatrième chaîne négocie avec les studios -les producteurs- pour une diffusion à la fois sur ses chaînes payantes et sur le gratuit. Pourtant Canal+ avait bien tenté de rassurer l'Autorité de la concurrence.

Comment Canal a montré patte blanche devant le gendarme de la concurrence ?

La direction de la chaîne avait pris un certain nombre d'engagements dans un document transmis à l'Autorité il y a quinze jours. Pour tenter de déminer le terrain, Canal avait proposé que ses chaînes payantes et ses chaînes gratuites mènent de manière distincte les négociations pour l'achat des droits des films américains.

Le groupe avait aussi proposé de ne pas donner à Direct 8 et à Direct Star des conditions plus avantageuses que celles accordées aux autres chaînes pour la revente des films de son catalogue, Studio Canal. Notez que c’est le plus important catalogue de droits de films en France.

Dans le sport, Canal + s'était engagé à ne pas diffuser plus d'un certain nombre de match par an sur sa chaîne gratuite.

Est-ce suffisant aux yeux de l'Autorité de la concurrence ?

Après consultation des autres acteurs du marché, l’Autorité a indiqué que les engagements pris par Canal + "ne suffiraient pas". Les concessions susmentionnées sont en effet jugées très limitées par les spécialistes du secteur.

S’ils sont plutôt rassurés pas les conditions que propose la quatrième chaîne sur le catalogue de film Studio Canal et les droits sportifs, ils sont méfiants concernant l'achat de films et de séries. C’est le vrai point noir de ce dossier. Pour eux, Canal + est déjà en position dominante dans ce domaine : via Vivendi, elle a un accès privilégié aux contenus vendus par les majors américaines, les grands studios et les grands network américains.

En quoi l’opération favoriserait-elle Canal + pour l’achat de films et de séries ?

Actuellement, une série comme Desperate Housewives est d'abord diffusée sur Canal + avant de l'être sur M6. Cela veut dire que les studios vendent la première diffusion d’un contenu à une chaîne payante, avant de négocier un nouveau contrat avec une gratuite.

Mais demain, Canal pourrait être tenté de négocier parallèlement la diffusion des mêmes programmes en clair sur Direct 8. C’est-à-dire qu’il pourrait offrir aux studios un "package" : une première diffusion sur le payant, puis une ultérieure sur le gratuit, toujours sur des chaînes détenues par Vivendi.

C’est ce qui cristallise l’inquiétude des différents acteurs de la télévision. Puisque dans ces conditions, Canal + pourrait s'offrir les meilleurs films et les meilleurs séries. Ne resterait alors plus grand-chose pour les autres acteurs du marché comme TF1 et M6.

Et sur ce point en particulier, les engagements de Canal + sont loin de rassurer. Le groupe promet certes de mener des négociations distinctes, mais rien ne permet de s'assurer que ce sera effectivement le cas. Par ailleurs, les promesses ne concernent que les droits des films, pas ceux des séries télé. Or c’est elles que les chaînes s’arrachent car elles garantissent souvent des audiences très importantes.

Que va-t-il se passer maintenant pour Canal ?

L'Autorité de la concurrence compte donc ouvrir une enquête approfondie. Elle se donne trois mois au maximum pour se pencher sur le dossier. Entre temps, Canal + peut prendre d'autres engagements. L'Autorité va probablement lui demander de nouvelles concessions avant de donner son feu vert.

Les opposants au rachat ont déjà listé un certain nombre de règles auxquelles Canal + pourrait se soumettre. Ils proposent par exemple que la chaîne définisse une durée suffisamment longue entre la diffusion en payant et en gratuit. De cette manière, les studios et les ayants droit seraient incités à céder leurs droits gratuits aux concurrents de Canal+.

Les concurrents de la chaîne cryptée plaident également pour séparer au sein du groupe Canal les structures chargées d'acquérir les droits payants et les droits gratuits. Reste à savoir si la chaîne acceptera ces conditions. Sachant qu’elle prépare actuellement la nouvelle grille de Direct 8, effective dès septembre, la chaîne a tout intérêt à boucler rapidement les négociations.

Simon Tenenbaum