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L’Autorité de sureté nucléaire ment-elle aux Français ?

Vue de la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme).

Vue de la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme). - Jeff Pachoud - AFP

Une enquête menée par les journalistes Thierry Gadault et Hugues Demeude dresse un bilan inquiétant de la sureté nucléaire en France et dénonce l’attitude des autorités, complices d’une "culture du mensonge et de la dissimulation".

"Ce que nous avons vu est catastrophique et très inquiétant", prévient le journaliste Thierry Gadault ce lundi sur Europe 1. Avec son confrère Hugues Demeude, il publie cette semaine Nucléaire, danger immédiat, un livre d’enquête sur l’état du parc nucléaire français.

D’ici 2028, près de 60% des centrales en service dans l’Hexagone auront quarante ans, l’âge limite fixé lors de leur construction. EDF entend les prolonger vingt-ans, mais encore faut-il que les cuves des réacteurs soient en état de tenir. L’électricien en a repéré dix, toujours en exploitation, qui présentent des fissures datant de leur fabrication. Thierry Gadault pointe du doigt une "maintenance bâclée pour des raisons financières" de la part de l’industriel.

Le cas de la centrale du Tricastin dans la Drôme, "la pire du pays", selon les auteurs, est emblématique. Les défauts de fabrication, déjà repérés avant sa mise en service, se sont accentués avec les années. Pire, ce site présente un risque d’inondation qui, en cas de séisme, pourrait potentiellement créer "un accident de type Fukushima", selon Pierre-Franck Chevet, président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), interrogé par les journalistes. Face à ce risque, l’ASN a décidé l’arrêt des réacteurs du Tricastin en septembre dernier, en attendant que des travaux soient réalisés, contre l’avis d’EDF qui a jugé cet arrêt "injustifié". En décembre, l'ASN a donné son feu vert pour la remise en service de trois des quatre réacteurs du site.

2 Français sur 3 habitent à proximité d’un réacteur

Outre les défauts de fabrication, des fissures sont apparues avec l’usure, la faute à des soudures qui ont mal vieilli, peut-on lire dans les bonnes feuilles du livre publiées dans le JDD. Celles-ci étaient passées inaperçues jusqu’en 2010, lorsque "les autorités belges ont mis en évidence des milliers de fissures dans des endroits non inspectés en France". L’ASN assurait que ce défaut "n’existait pas" dans l’Hexagone. En réalité, après des examens plus approfondis sur vingt-huit centrales, EDF a découvert qu’au moins six étaient touchées.

"L’ASN fait partie de ce complexe du nucléaire français qui a développé une culture du mensonge et de la dissimulation depuis plus de cinquante ans", accuse Thierry Gadault sur Europe 1.

Alors, doit-on continuer à faire tourner ces centrales françaises vieillissantes ? La limite de quarante ans "a été fixée pour des raisons de sureté", rappelle le journaliste, "ne pas respecter cette limite, c’est rentrer dans un domaine inconnu et prendre tous les risques". La question "nous concerne tous", insiste-t-il, rappelant que "66% des Français vivent à moins de 75 kilomètres d’une centrale nucléaire, c’est le périmètre où les retombées de Fukushima ont été les plus intenses."

J.-C.C.