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L'innovation américaine trahie par une génération 2017 devenue "plan plan"

Donald Trump,qui ne pense qu’à protéger les entreprises locales et à se fermer aux idées extérieures, ce qui a pour effet de freiner les budgets de recherche des entreprises.

Donald Trump,qui ne pense qu’à protéger les entreprises locales et à se fermer aux idées extérieures, ce qui a pour effet de freiner les budgets de recherche des entreprises. - Mandel Gan- AFP

Sortis de la high tech, les Etats-Unis ne seraient pas aussi innovants que nous l’imaginons. Les générations d’entrepreneurs auraient du mal à se renouveler. Préférant le contrôle et le conformisme au changement et à la prise de risque. Un sentiment qui se confirme avec la baisse des investissements en R&D prévus dans le budget 2018 de l’Administration Trump.

L’économie américaine se développe à son rythme le plus lent depuis la seconde guerre mondiale. Au cours des douze derniers mois le pourcentage d’Américains qui changent de jobs, signe d’un certain dynamisme du marché domestique, a atteint son plus bas niveau depuis 1948 (il a même été divisé par deux en 15 ans, indique l’organisation gouvernementale Census Bureau). Pire la contribution des start-up à l’emploi serait au plus bas. Celles-ci ne représenteraient plus que 7 à 8% des entreprises américaines. Le nombre de fondateurs d’entreprises de moins de 30 ans a lui-même chuté de 65% entre aujourd’hui et les années 80.

Autant de chiffres qui prouvent à quel point le pays s’affaiblit. C’est en tout cas la théorie développée par Tyler Cowen dans son ouvrage The complacent Class, the self-defeating quest for the american dream (ed. St. Martin Press, en langue anglaise).

Trump serre les budgets de recherche en sciences

Une pensée qui trouve son relais dans l’actualité récente à l’heure avec un Donald Trump qui ne pense qu’à protéger les entreprises locales et à se fermer aux idées extérieures. Ce qui a pour effet de freiner les budgets de recherche des entreprises. Un mouvement qu’il accentue lui même avec un budget 2018 tout juste publié où les investissements sur la recherche scientifique ne figurent plus parmi les priorités.

Ses détracteurs diront que cet économiste, même s’il a été formé à Harvard par Thomas Schelling (prix Nobel d’Economie en 2005), et qu’il figure parmi les grands penseurs libéraux actuels, reste toujours sur une même ligne éditoriale emprunte d’un certain déclinisme. Ses ouvrages figurent pourtant en tête des best sellers du New Yok Times ou de The Economist. Son blog Marginal revolution fait lui-même office de référence pour tous les économistes américains.

La trop grande présence de l'Etat freine l'innovation

Dans son livre, Tyler Cowen se pose la question de savoir si -hormis le secteur en constante explosion de la high tech- la source américaine d’entrepreneurs n’est pas tarie. L’auteur nous explique que l’aversion au risque est en train d‘infecter les Etats-Unis. Le pays est devenu plus agréable, plus sûr et plus paisible, mais cet état d’esprit a freiné l'innovation, excepté dans le secteur technologique, qui, comme par hasard, est le moins règlementé aux Etats-Unis.

Pour lui les interventions gouvernementales sont le principal obstacle à l'innovation. La trop grande présence de l'État restreint l'accès et la créativité. Et de citer l’exemple d’Uber qui doit son développement à des idées nouvelles comme l’économie du partage, mais qui se retrouve aujourd’hui bloqué par des États et des gouvernements locaux.

Des dirigeants américains de moins en moins audacieux

Tyler Cowen met aussi en cause les dirigeants qu’il trouve peu audacieux dans de nombreux secteurs de l’industrie. "La pensée de l'industrie est acceptée comme la norme - une norme que l’on ne doit pas déranger" précise-t-il.

Certes la créativité, les innovations et la pensée "en dehors de la boîte" figurent parmi les thèmes à la mode, mais ils sont très mal compris et rarement suivis. Cowen explique que le zèle évolutionniste des années 60 s’est retourné contre lui-même. Les hommes aujourd’hui préfèrent éviter le changement et être confrontés aux difficultés. D’où la naissance de cette génération plan-plan.

Il n’oublie pas dans son ouvrage d’en mettre une couche sur l’éducation trop conformiste qui n’engendre plus de penseurs ni des preneurs de risques. "Nous honorons les entrepreneurs et les innovateurs, mais nous créons une mentalité d'aversion au risque où domine le calme et la sécurité". Et de commenter "les années 2010 sont en voie d'être la génération la moins entrepreneuriale de l'histoire récente".

Toujours trop de politiquement correct

S’il ne donne pas clairement des recettes pour sortir de cette ornière du politiquement correct, Cowen cite la Chine comme un exemple de dynamisme. "La Chine rencontre de sérieux problèmes économiques. Mais malgré ses défauts, la Chine quand vous la quittez ne ressemble jamais à la Chine que vous retrouvez en vous y rendant à nouveau quelques mois plus tard ".

Il compare ce dynamisme aux freins rencontrés aux Etats-Unis où municipalités et même électeurs ralentissent la croissance en mettant en oeuvre des réglementations complexes, en rajoutant toujours plus de restrictions. "Toutes ces protestations sont des obstacles à la croissance", conclut Tyler Cowen. Pour lui, la croissance doit dépendre davantage des idées que du capital, des institutions et des politiques économiques. 

Frédéric Simottel