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La chaîne TF1 reste sur le web... pour l'instant

L'application MyCanal de Canal Plus permet de regarder TF1 en direct sur une tablette

L'application MyCanal de Canal Plus permet de regarder TF1 en direct sur une tablette - 01net - Pierre Fontaine

TF1 a demandé aux opérateurs télécoms de ne plus diffuser son signal dans leurs offres web accessibles sur mobile, ordinateur ou tablette. Mais le signal est toujours disponible à l'échéance fixée.

Il y a quelques semaines, TF1 a demandé aux opérateurs télécoms de cesser de diffuser son signal dans leurs services internet dits "over-the-top" (OTT) qui permettent de regarder la chaîne sur téléphone mobile, ordinateur ou tablette. L'échéance a été fixée au dimanche 30 avril pour les services de Canal Plus (MyCanal) et SFR (qui détient 49% de ce site web) -l'échéance est plus tardive pour Orange.

Selon les constatations effectuées par Satellifax à 0h05 dans la nuit de dimanche à lundi, le signal de TF1 restait toujours diffusé dans les offres de Canal Plus et SFR.

L'explication est apparemment technique: TF1 ne peut couper lui-même son signal uniquement pour ces offres OTT, et c'est à l'opérateur télécoms de le faire. TF1 va donc devoir engager une procédure juridique pour contraindre les opérateurs à obtempérer. 

Bras de fer

Rappelons que le bras de fer entre la Une et les "telcos" avait démarré mi-2016. TF1 avait alors demandé à ses distributeurs plus d'argent pour diffuser son signal. La chaîne réclame 100 millions d'euros par an, au lieu d'une dizaine de millions jusqu'à présent.

Face au refus des opérateurs télécoms, TF1 leur a ensuite demandé par écrit de retirer son signal des offres OTT à fin avril, puis des box internet à l'été, ont révélé les Echos

Dialogue de sourds

Pour le PDG de TF1 Gilles Pélisson, "il est légitime que les revenus [de TF1] dépendent non seulement de la publicité à la télévision, mais désormais aussi de l'internet. Il n'est pas normal que l'opérateur garde cet argent. Il n'est pas normal qu'une partie de l'argent [récolté par les fournisseurs d'accès internet] ne puisse pas revenir au diffuseur que nous sommes, sachant que ces mêmes opérateurs rémunèrent les chaînes américaines [thématiques payantes], ou les compétitions sportives. À un moment, il est difficile pour un opérateur de se passer des chaînes principales d'un pays", a-t-il expliqué le 13 avril lors de l'assemblée générale des actionnaires.

Mais les opérateurs refusent encore et toujours de mettre la main au portefeuille. Le 20 avril, le PDG d'Orange Stéphane Richard lui a répondu: "Dans cette confrontation, je n'ai pas de doutes sur la réalité du rapport de force qui nous est favorable". En effet, "Orange, c'est 25% de l'audience cumulée de TF1 en France. Est-ce que vous pensez raisonnablement qu'une chaîne dont le modèle économique est la gratuité pour les utilisateurs, donc rémunérée par la publicité, peut du jour au lendemain se couper de 25% de son audience? Je ne crois pas". En outre, "n'oubliez pas que le secteur des télécoms et du câble est un des tout premiers annonceurs publicitaires chez TF1".

Le patron d'Orange admet: "Tout le monde aimerait bien avoir des revenus supplémentaires sans charge. Mais où est l'intérêt de l'utilisateur? Le grand absent de ce débat, c'est l'utilisateur. S'agit-il en fait d'introduire un nouveau modèle économique dans lequel l'utilisateur serait mis à contribution? Est-ce que l'utilisateur, vous et moi, va payer pour regarder TF1? C'est ça la question. Parce que si on ne demande pas [à l'utilisateur] de payer, cela signifie en fait qu'on prend du pognon chez l'opérateur pour le verser dans la poche de TF1, et il s’agit d’un impôt privé".

Même son de cloche chez Vincent Bolloré, président du conseil de surveillance de Vivendi et de Canal Plus: "TF1 est une chaîne gratuite qui est donc par définition gratuite", a-t-il lancé le 25 avril lors de l'assemblée générale de Vivendi.

"Très préjudiciable"

Prendre en compte les revenus que pourrait ainsi engranger TF1 est "prématuré", ont estimé le 19 avril les analystes de Morgan Stanley, qui avançaient plusieurs raisons. D'abord, si TF1 se retirait des box, cela "serait très préjudiciable à son audience et à ses recettes publicitaires, étant donné que les box représentent plus de la moitié de son audience". Ensuite, les opérateurs télécoms "sont parmi les plus gros annonceurs du pays, et pourraient prendre des mesures de rétorsion en retirant de TF1 une partie de leurs dépenses publicitaires, ou en demandant un partage des recettes publicitaires entre chaînes et distributeurs".

Enfin, la situation française est "différente" de celles des pays où les chaînes sont rémunérées. En particulier, "le marché français des télécoms est concurrentiel, ce qui pourrait empêcher les opérateurs de répercuter ce surcoût dans le tarif facturé au client". En outre, la version haute définition des chaînes est "disponible gratuitement en terrestre hertzien, alors qu'en Allemagne elle est facturée aux abonnés du câble et du satellite, ce qui a permis de doper la rémunération versée à RTL et ProSieben".

Rappelons que de plus en plus de foyers ne reçoivent plus TF1 en hertzien terrestre mais uniquement par câble, satellite et ADSL. Selon le CSA, près de 40% des foyers reçoivent désormais la télévision seulement par câble, satellite ou ADSL.

J. H.