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La communication de crise de Renault décryptée

Le groupe dirigé par Carlos Ghosn (à droite) a probablement passé un coup de fil au cabinet d'Emmanuel Macron (au centre)

Le groupe dirigé par Carlos Ghosn (à droite) a probablement passé un coup de fil au cabinet d'Emmanuel Macron (au centre) - Charly Triballeau - AFP

Edouard Fillias, président de l'agence de communication Jin, explique que Renault a probablement passé plusieurs coups de fil pour que Ségolène Royal et Emmanuel Macron aident l'entreprise à gagner du temps face à la tempête boursière qu'elle a connue jeudi.

La Bourse est une affaire de communication et le séisme qui a secoué Renault jeudi l'a prouvé une nouvelle fois. Le titre du constructeur automobile tricolore a été broyé hier sur le CAC40, perdant jusqu'à -23%, sa plus forte chute en séance depuis 1999.

Si les marchés se sont alarmés c'est parce que la CGT avait publié un tract dans lequel elle révélait une intervention de la répression des fraudes (DGCCRF) sur plusieurs sites du constructeur, évoquant une possible fraude de la part du constructeur automobile similaire au scandale des moteurs truqués de Volkswagen.

Macron et Royal volent au secours de Renault

C'est ensuite que le groupe dirigé par Carlos Ghosn a tenté de calmer la tempête, via un communiqué dans lequel il a confirmé les interventions de la répression des fraudes. Mais la marque au losange a précisé que ces "perquisitions" visaient en fait à obtenir des informations supplémentaires dans le cadre des tests effectués par le ministère de l'Écologie sur les émissions de gaz polluant de plusieurs véhicules. En aucun cas, il n'y a eu une fraude de la part du groupe.

Les dires de Renault ont ensuite été confirmés par Ségolène Royal, qui a révélé que les véhicules du constructeur testés par le ministère avaient dépassé les normes de Co2 et d'azote, sans pour autant que Renault ait quelque chose à se reprocher. "Aucune tricherie volontaire n'a été démontrée", redit-elle encore au Parisien de ce vendredi 15 janvier.

Quant aux dépassements, elle juge qu'ils sont "à imputer plutôt aux normes de contrôles qui permettent l'homologation (des véhicules qui ont dépassé ces mêmes normes, ndlr). Ce sont elles qu'il convient de mettre en cause". Le ministre de l'Économie Emmanuel Macron a, lui, affirmé qu'il "maintenait sa confiance" à Renault. Au final, les différentes prises de parole ont permis de limiter un peu la casse en Bourse (-10,62%).

"Le sujet de Renault c'est de gagner du temps"

Pour Edouard Fillias, le président de l'agence de communication Jin, Renault a bien joué le jeu, en cherchant à gagner du temps. "Le sujet de Renault aujourd'hui, c'est de gagner du temps. Et les interventions des politiques s'inscrivent dans ce gain de temps. Renault a ainsi probablement passé un coup de fil aux cabinets d'Emmanuel Macron et de Ségolène Royal pour qu'ils témoignent en leur faveur et fassent descendre la pression. C'est classique dans une communication de crise (Total, Société Générale), fait-il valoir sur BFM Business.

Et pour lui, Renault doit désormais attendre. Il souligne, en effet, "le décalage terrible" entre "le temps médiatique et le temps de l'entreprise". Le premier a pour temporalité "l'heure voire la demi-heure" alors que "le temps de Renault, c'est le trimestre, l'année, 10 ans…"

Désormais, Edouard Fillias estime que les dirigeants de Renault "ne vont pas communiquer jusqu'à ce qu'ils aient des faits à donner à des actionnaires et aux collaborateurs". Car "dans la crise le premier axe ce sont les collaborateurs; il faut d'abord les convaincre, répondre aux syndicats et aux salariés".

Julien Marion avec BFM Business