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La curieuse guerre des marques de mode autour des dates des défilés

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"Burberry comme Tommy Hilfiger voudraient mettre en vente leurs collections dès la fin des défilés pour éviter les imitations des Zara et autres H&M. Chez Dior, mais aussi chez d'autres grands noms du luxe français ou italien, on s'oppose à cette "révolution". Explication."

"See now, buy now", littéralement en français: "vous voyez maintenant, vous achetez maintenant". Cet adage ne vous dit peut-être rien, mais il est en train de s’imposer dans le monde très codifié de la mode. En effet, de plus en plus de créateurs veulent proposer leurs vêtements à la vente dès la fin des défilés de mode, une révolution amorcée durant la Fashion Week de New York, poussée par les réseaux sociaux. 

Le prêt-à-porter est donc contraint de revoir son fonctionnement historique, qui consistait jusqu'ici à présenter des collections six mois avant leur arrivée en magasin. "Les jeunes clients ne veulent plus attendre. Ils veulent voir et porter le même jour, ou le lendemain", expliquait à l'AFP l'américain Tommy Hilfiger.

L'enseigne de luxe britannique Burberry était ainsi la première à renoncer en février au très traditionnel calendrier de la mode, en présentant des collections désormais dénommées "février" et "septembre" en lieu et place des classiques "printemps-été" et "automne-hiver".

Dualité entre européens et anglo-saxons

Les groupes de luxe anglo-saxons sont les plus farouches partisans de ce changement car ils souhaitent par cette démarche dynamiser leurs ventes, mettant en avant la plus grande médiatisation et le risque d’imitation de leur collection. Car sur ce dernier point, les géants du prêt-à-porter de masse, comme H&M ou Gap, qui ont des délais de production très courts, peuvent s'inspirer des défilés et prendre tout le monde de vitesse.

Une démarche que ne partage pas les géants du luxe européen. Le PDG de Dior, Sidney Toledano, avait en ce sens exprimé début mars son refus d'un système consistant à présenter lors des défilés des vêtements disponibles immédiatement, expliquant que les clientes de sa maison "n'ont pas l'impatience de vouloir consommer tout de suite".

Un impact financier mineur

Le risque à terme pour ces maisons de haute couture est la baisse de créativité, qui constitue l’essence même de leurs défilés. C’est pourquoi, elles restent très attachées aux valeurs intrinsèques du luxe: la désirabilité et l’intemporalité afin d'éviter de dégrader "leur image, importante barrière à l’entrée, qui induirait un affaiblissement de leur pricing power", souligne dans une note sur le secteur Natixis

Pour l'analyste financier, cette "révolution" ne devrait avoir que peu d'impacts sur les acteurs et notamment ceux français du secteur (Christian Dior, Hermès, Kering et LVMH) car "le prêt-à-porter reste marginal dans les ventes consolidées des groupes" et que "sa rentabilité est nettement inférieure aux autres catégories de la Mode et Maroquinerie." Pour donner un ordre d'idée, le prêt-à-porter ne représente que 4% du résultat d'exploitation de l'enseigne présidée par Bernard Arnault. Un chiffre bien trop faible pour faire vaciller ces géants du luxe, attachés à leur tradition et à leur image de marque.

Sami Bouzid