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La faillite de Westinghouse sonne la fin du "vieux nucléaire"

Vue de la centrale nucléaire de Cattenom située en Lorraine. (image d'illustration)

Vue de la centrale nucléaire de Cattenom située en Lorraine. (image d'illustration) - Patrick Ertzog - AFP

Les acteurs japonais et français du nucléaire souffrent alors que les nouveaux rivaux russes et chinois sont en plein essor.

L’industrie mondiale du nucléaire est à un tournant. La mise en faillite de Westinghouse, filiale américaine du japonais Toshiba, sonne la fin de l’ancien monde de l’atome. La domination de la France, avec ses fleurons EDF et Areva, et du duo américano-japonais s’est effondrée. Mêmes causes, mêmes effets.

Areva a passé 5,5 milliards d’euros de pertes sur le chantier de l’EPR en Finlande et accuse cinq années de retard… De son côté, l’EPR de Flamanville a coûté plus de 10 milliards d’euros à EDF contre 3,3 milliards prévus à l’origine. Il ouvrira en 2019, soit sept ans après la date initiale. Westinghouse connaît des problèmes similaires aux États-Unis.

Rachetée à prix fort par Toshiba en 2006 (plus de 4 milliards de dollars), l'entreprise semble avoir mal calculé son exposition aux risques avant de se lancer dans la construction de nouvelles centrales. Des irrégularités ont également été relevées dans une opération, menée fin 2015, visant à acquérir une société du même secteur.

"Nous avons pris des mesures pour relever nos défis financiers tout en protégeant nos activités" assure José Emeterio Gutiérrez, le PDG de l'entreprise, dans un communiqué. Selon lui, à l'issue de cette "restructuration stratégique", Westinghouse devrait "sortir plus fort". Quoi qu'il en soit, ses quatre réacteurs de troisième génération (AP 1000), comme les EPR, ont déjà coûté 6 milliards d’euros et accusent déjà au moins trois ans de retard. Même les réacteurs américains construits en Chine, où la cadence est bien plus soutenue, rencontrent des surcoûts et des problèmes de délais.

La Chine prend pied en Europe

L’effondrement du "vieux monde nucléaire" laisse la place aux nouveaux entrants que sont la Chine et la Russie. Les deux grandes puissances bénéficient d’un avantage de taille: leur immense marché intérieur. Actuellement, 25 réacteurs sont exploités en Chine et une centaine seront construits d’ici 2030. Mais au-delà de leur territoire, les Chinois veulent exporter leur propre technologie. Ainsi, ils ont investi aux côtés d’EDF en Grande-Bretagne sur le chantier d’Hinkley Point. En contrepartie, ils comptent sur l’électricien français pour les aider à implanter leur réacteur Hualong en Europe. Ils visent secrètement à le vendre à la France pour le renouvellement du parc nucléaire français à partir de 2020.

Quant à la Russie, elle a remanié en profondeur son industrie nucléaire après l’accident de Tchernobyl en 1986. Elle dispose de 33 réacteurs sur son sol et pousse les feux dans le monde entier. Environ 150 nouveaux réacteurs sont prévus dans le monde, dont une soixantaine en Chine. Mais la Russie se développe aussi dans les pays "amis" comme en Turquie, en Iran ou au Vietnam, mais aussi en Finlande. La Chine et la Russie taillent des croupières aux Français en débarquant dans les nouveaux pays qui se relancent dans le nucléaire comme l’Égypte ou l’Argentine.

Mais la Chine a pris de l’avance sur le marché européen où elle va co-investir avec EDF en Grande-Bretagne. En revanche, la Russie voit encore les portes de l’Europe être fermées, en dehors de son projet en Finlande. Fin 2016, elle avait tenté d’investir dans Areva. Mais le gouvernement n’a même pas envisagé cette solution alors qu’il avait l’intention de laisser entrer la Chine. Avant que les exigences chinoises ne le convainquent de se passer d’eux. Pour le moment.

Matthieu Pechberty