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La folie du food-truck au pays de la gastronomie

Contrairement à ce que beaucoup pensent, le food truck nécessite de lourds investissements qui s’ajoutent aux droits d’exercer la profession de vendeurs ambulants.

Contrairement à ce que beaucoup pensent, le food truck nécessite de lourds investissements qui s’ajoutent aux droits d’exercer la profession de vendeurs ambulants. - AFP

Vous avez sans doute déjà vu ces drôles de camions qui servent des petits plats aussi bons qu'au restaurant. Ce véritable phénomène touche tout le pays. Et après avoir hésité, la ville de Paris a décidé, à son tour, de leur réserver 40 emplacements.

A ne pas confondre avec les camions à pizza ou les baraques à frites... Le nouveau concept à la mode dans la restauration hors domicile, comme se plaisent à dire les restaurateurs, s'appelle le food truck. Les restaurants mobiles installés dans des véhicules qui proposent de véritables repas cuisinés à consommer plus rapidement qu’à la table d’un véritable restaurant.

Difficile de savoir combien de personnes se sont déjà lancés dans l’aventure. Près d’une centaine en France, selon les spécialistes du secteur qui, comme BusinesScoot, préfèrent se contenter d'une estimation basse. Mais, le nombre devient si important que plusieurs villes de France s’organisent pour gérer cette activité. Pas un département n’échappe à ce mouvement. Dans les villes de toutes tailles, ces camion-restaurants font désormais partie du paysage local qui en attendant des autorisations municipales, trouvent place sur des espaces privés.

Paris est l’une des dernières villes à rejoindre la vague. Anne Hidalgo vient de décider la création de 40 emplacements officiels qui sont proposés dans un appel à projets qui se terminera le 15 mai. Un véritable revirement municipal !

Il y a à peine un an, Lyne Cohen-Solal exprimait son opposition à ces commerces qui, selon elle, portent préjudice aux 13.000 bars et restaurants parisiens. "Les cafés seront concurrencés et la Ville de Paris n’a pas l’intention de laissé se développer une concurrence déloyale [aux établissements] qui se sont installés dans les murs, qui créent des emplois et qui paient des loyers", lançaient l’ex-adjointe au maire de Paris sur BFM Business en février 2014.

Les choses ont changé. Désormais, la "capitale de la gastronomie" se doit d’accueillir et d’organiser ce que les américains nomment le "street food". Un revirement à 180 degrés.

"Jusque-là, il y avait seulement sept emplacements autorisés dans Paris à travailler sur des marchés, nous a indiqué un porte-parole de l’Hôtel de Ville. Nous avons décidé de lancer une expérimentation d’un an pour voir si cette activité est vraiment compatible avec l’écosystème parisien." Aussi, les critères pour bénéficier l’une de ces places sont drastiques.

Pas question d’arriver avec une camionnette hors d’âge pour s’installer près des restaurants. Pas question non plus de faire des sandwichs à tour de bras. Pour avoir une chance d’être retenu, Paris veut des projets originaux, des véhicules esthétiques, une complémentarité avec les commerces environnants, la vente de produits locaux ou bio, être respecter les règles d’hygiène et de propreté et utiliser des matériaux recyclables.

Quant aux tarifs, car il ne s’agit pas de points de ventes pirates, les candidats retenus devront verser à la ville une redevance de 8% du chiffre d'affaires hors taxes, avec un minimum garanti pour chaque plage d'occupation en fonction de la catégorie du site occupé. Pour cela, les tarifs vont de 70 à 135 euros par plage d’occupation. Une manne supplémentaire dont la Capitale ne veut pas se priver.

Les professionnels craignent une ubérisation de leur activité

Contrairement à ce que beaucoup pensent, le food truck nécessite de lourds investissements qui s’ajoutent aux droits d’exercer la profession de vendeurs ambulants. Pour guider les volontaires, de nombreux sites indiquent les montants à prévoir pour se lancer. Ils préviennent que la réalisation d’un business plan précis et une parfaite connaissance des réglementations sont absolument nécessaires. Bref, il ne suffit aps d'être un bon cuisinier, il faut aussi être un véritable chef d'entreprise.

Le ticket d’entrée pour l’achat d’un véhicule d’occasion équipé est d’environ 40.000 euros. Mais si son propriétaire veut un véhicule neuf, décoré et doté d’un matériel dernier cri, le montant dépasse facilement des 200.000 euros. A cela, il faut ajouter la création d’un site web, l’impression de flyers et la création d’un logo. Le total est certes inférieur à la création d’un restaurant, mais la somme n’est pas négligeable ce qui restreint les candidats. Ils sont pourtant de plus en plus nombreux à tenter l’aventure.

Et pour preuve que cette tendance devient un véritable phénomène de société, Peugeot a créé un Food Truck qui, après une présentation à Paris, deviendra le restaurant officiel du pavillon français pour la prochaine exposition universelle qui se tiendra à Milan dès le 1er mai (voir diaporama). Le groupe dit néanmoins que la commercialisation de ce concept car n'est pas prévu.

Reste que malgré tout, les restaurateurs traditionnels ne voient pas l’arrivée de ces camions d’un bon œil. Craignant une "ubérisation" de leur activité, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) réclame que cette activité "anarchique" soit régularisée.

Dans un communiqué, cette fédération qui rassemble 85% des professionnels français a déjà réagi. Elle ne propose pas leur interdiction, bien au contraire. Son but est de les intégrer pour mieux les organiser et demande au gouvernement de créer "un cadre législatif".

Pascal Samama