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La France saura-t-elle concilier liberté et sécurité sur Internet?

La tentation est grande de mettre en place un filtrage sur Internet mais des voix s'élèvent contre cette mesure.

La tentation est grande de mettre en place un filtrage sur Internet mais des voix s'élèvent contre cette mesure. - Olivier Laban-Mattei - AFP

La France va-t-elle créer, comme les États-Unis l’ont fait après le 11 septembre, son Patriot Act ? La Quadrature du Net ou le Conseil National du Numérique alertent contre cette tentation.

L' après Charlie va-t-il conduire la France à mettre en place une surveillance généralisée du Net comme les Etats-Unis l'ont fait après le 11 septembre avec le Patriot Act ? Depuis quelques jours, beaucoup le craignent, comme, entre autres la Quadrature du Net, association de défense des libertés sur la toile.

D’autant que ce week-end, Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, a pointé Internet qui serait à l’origine de 95% des conversions au djihadisme. Au lendemain des attentats parisiens, le gouvernement a notifié en urgence à Bruxelles de la parution du décret d'application de la Loppsi 2 qui permet le blocage administratif de sites terroristes sans passer par le juge.

Une mesure qui, pour la Quadrature du Net, est un mauvais signe lancé aux internautes. Ce week-end, pendant les manifestations, Jérémie Zimmerman, ancien porte-parole de l’association, a tweeté pour prévenir ce risque. " #PatrioAct, US a permis guantanamo, torture, assassinats par les drones, surveillance de masse par la NSA.. nous voulons cela pour la France? "

Invité ce lundi sur le plateau de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV, Benoît Thieulin, président du Conseil National du Numérique (CNNum), a réaffirmé sa défiance pour une méthode poussée de surveillance de la Toile.

Pour lui, son efficacité n’est pas avérée. "Même les plus ardents défenseurs du net comme moi ne peuvent pas nier le rôle qu'internet peut avoir dans tout ça. C'est une évidence. En revanche, il ne faut pas se jeter avec émotion comme, par exemple, ce que les Américains ont pu faire, après le 11 septembre". Le problème est avant tout de savoir ce que l'on veut filtrer, insiste M. Thieulin.

"La question n'est pas de filtrer les 50 à 100 sites djihadistes recensés par les services français. […] Le problème est en amont. Il s'agit donc plus d'un problème sur les réseaux sociaux, un problème d'embrigadement sur les espaces sociaux où nous sommes tous présents. C'est donc éminemment plus compliqué, plus complexe que de simplement filtrer et bloquer quelques sites internet. Là, on parle de millions de conversations qu'il faut regarder et vérifier pour voir s'il y a un problème".

Les Français divisés

Benoît Thieulin a aussi rappelé "qu'on a défilé [le 11/01, ndlr) pour défendre la liberté d'expression. Il faut donc qu'on se pose les bonnes questions de manière à ce qu'au nom de cette liberté on ne remette pas en cause les fondamentaux. Internet, aujourd'hui, est probablement l'espace où cette liberté d'expression se déploie le plus."

La France, avec l’Europe, parviendra-telle à ne pas tomber dans un piège sécuritaire dont l’efficacité reste à prouver ? Au vu de l’expérience américaine, qui est désormais critiquée de l’intérieur, les Européens sauront-ils à concilier la liberté et la sécurité ? La réponse est délicate d’autant délicate qu’entre les deux, le cœur des Français balance. Dans un sondage Ifop de 2013, 80% des Français et 70% des 15-24 ans étaient déjà favorables à la mise en œuvre de mesures de sécurité accrues sur Internet pour lutter contre le terrorisme.

Pascal Samama