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La livraison de repas à domicile passe à la vitesse supérieure

Le site Foodora dispose d'une flotte à Paris de 50 personnes qui livrent les repas à vélo

Le site Foodora dispose d'une flotte à Paris de 50 personnes qui livrent les repas à vélo - Foodora (Montage BFM Business)

Dans la foulée d'Alloresto, de nombreux sites se lancent en France dans le business de la livraison de plats de restaurants à domicile. Une tendance venue des Etats-Unis et promise, selon ses promoteurs, à un succès fulgurant dans les grandes villes françaises.

L’ordinateur et le smartphone vont-ils devenir les ustensiles de cuisine préférés des Français? C’est ce que souhaitent en tout cas les sites de livraison de repas à domicile. Et depuis quelques mois, ils sont de plus en plus nombreux. Si l’Hexagone ne comptait jusqu’à il y a peu que deux ou trois acteurs à peu près nationaux (Allo resto, Resto-In et Chronoresto), leur nombre ne cesse d’enfler : de la start-up francilienne Cookin’theworld au belge Take Eat Easy au belge en passant par le britannique Deliveroo ou encore l’allemand Foodora (filiale du géant allemand du web Rocket Internet) tous rêvent de convertir les Français au "click and eat".

Pourquoi la France fait tant saliver ces sites, internationaux pour la plupart? Tout simplement parce que le marché potentiel est énorme. Selon Rocket Internet, il devrait peser 90 milliards d’euros en Europe d’ici quelques années, soit près de 16% du marché global de la restauration.

Deux modèles s'opposent

Or, la France est en retard en la matière. "Ce type de service est bien plus développé aux Etats-Unis, explique Boris Mittermuller, le patron du site Foodora. Mais il va se développer en France c’est certain. Les gens ont de moins en moins le temps de cuisiner et ils ont déjà pris l’habitude de commander leur nourriture. Mais l’offre était jusqu’à peu limitée aux pizzas ou à la cuisine asiatique."

En effet sur les 150.000 restaurants que compte le pays, seuls 6.000 assurent de la livraison à domicile. Et encore, rares sont les habitués de ces restaurants qui le savent. Le pari de ces sites est donc de devenir le portail de référence sur internet sur lequel on trouvera toute sorte de nourriture à se faire livrer : burger, asiatique, pizza, bagel mais aussi de la cuisine italienne, française ou libanaise.

Et pour attaquer ce marché, deux modèles s’opposent. D’un côté, celui d’Allo Resto. Créé en 1998 et racheté par le britannique Just Eat en 2012, ce site n’est en fait qu’une marketplace des restaurants. Il n’assure donc aucun service si ce n’est celui de mettre en relation le client et le restaurant qui dispose de son propre service de livraison. Avantage pour le restaurateur: la commission prélevée sur chaque commande se limite à 12%. Les clients, eux paient le même prix que ceux qui dégustent leurs plats dans le restaurant.

L’inconvénient c’est que l’offre est limitée, il faut que le restaurant dispose de son propre service de livraison. "Ce qui est rentable pour lui à partir de 3 commandes par heure", estime Gilles Raison, le directeur-général d’Allo Resto. D'où le petit nombre de restaurateurs ayant investi dans leur propre flotte de scooters. 

"On vise les restaurants du Fooding"

Le second modèle qui a le vent en poupe est celui de Deliveroo ou de Foodora. Même s’il est plus complexe en mettre à mettre en place. Ces sites qui disposent de leur propre équipe de livreurs tentent de convaincre les restaurants de toucher de nouveaux clients en passant à la livraison. Avantage: ils n’ont pas besoin d'investir. Inconvénient: la commission prélevée passe à 30%. "Mais ça nous permet d’avoir une sélection plus haut de gamme, on vise les restaurant d’un site comme le Fooding", explique Boris Mittermuller.

Les deux sites proposent ainsi la livraison de repas en provenance de restaurants branchés à Paris comme Big Fernand (hamburgers), Neo Bento (assortiments divers dans des plats japonais) ou encore D’Jawa (cuisine indonésienne). Des restaurants pour l’heure essentiellement franciliens (la commande de repas est un phénomène évidemment urbain) mais qui devrait s’étendre petit à petit à d’autres régions. Foodora va s’implanter à Lyon d’ici la fin de l’année et Deliveroo assure qu’il ouvrira d’ici quelques mois son service à Lille, Lyon et Bordeaux.

Des restaurateurs pas toujours emballés

A condition bien sûr que ces sites réussissent à convaincre les restaurateurs. Ce qui n’est pas toujours très simple. "Certains sont un peu frileux, ils craignent que ça va vider leur salle de restaurant, reconnait Boris Mittermuller. Mais nous leur assurons que ça ne va leur apporter que de l’activité supplémentaire qui servira à couvrir leurs coûts fixes." Mais ce qui freine le plus les restaurateurs, ce sont les commissions prises par les sites. "J’ai refusé la proposition de l’un d’eux, explique ce spécialiste de sandwiches vietnamiens du XXème arrondissement parisien. Ils me prennent 30% alors que ma marge n’est que de 20% une fois enlevés les coûts fixes." 

Et les restaurateurs qui ont accepté de travailler avec ces sites ne sont pas toujours très enthousiastes. Comme Léonora Gallon-Frantz qui a créé Oh Mon Cake spécialisé dans les gâteaux, salades et bagels: "On a accepté de travailler avec Foodora mais je trouve que 30% c’est trop élevé, je vais essayer de négocier une baisse à 20%. Même s’ils m’assurent que ça fait de la vente additionnelle, quand mon établissement est plein, il faut bien que je consacre du temps et des produits aux commandes en ligne, et ça a un coût." 

Des sites qui devront pourtant en convaincre un maximum pour continuer à grossir. Une course à la taille essentielle car, vu la multiplication de petits acteurs, d’aucun prédisent déjà que le marché va se concentrer. Ce qui est déjà le cas à l’international. Mais plus que la concurrence entre acteurs spécialisés, le marché pourrait aussi rapidement intéresser les géants du web. Amazon en constante recherche de relais de croissance et qui a inventé le concept de marketplace pourrait tôt ou tard s’inviter au festin.

Frédéric Bianchi