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La patronne de France Télévisions peut faire sa rentrée l'esprit léger 

La nouvelle patronne Delphine Ernotte dévoilera son état major lundi 24 août

La nouvelle patronne Delphine Ernotte dévoilera son état major lundi 24 août - Jean Ayissi AFP

Les deux syndicats et le candidat évincé qui contestaient la nomination de Delphine Ernotte, n'ont pas réussi à empêcher sa prise de fonction. Leurs plaintes ne seront pas jugées avant un an au moins, et s'appuient sur des éléments difficiles à prouver.

Comme prévu, Delphine Ernotte prendra ses fonctions de PDG de France Télévisions ce samedi 22 août. Dès le lundi 24, elle dévoilera son état-major et s'adressera aux cadres dirigeants. Puis elle attendra le 31 août pour rencontrer la presse à l'invitation de l'association des journalistes média. Elle ne commentera pas les grilles de rentrée -déjà présentées par l'équipe sortante- mais devrait en dire plus sur sa stratégie.

Evoquera-t-elle les différentes plaintes déposées contre sa nomination à la tête des chaînes publiques? Peut être. Elle pourra rétorquer que les plaignants ne sont pas parvenus à empêcher sa prise de fonction comme ils l'espéraient. Qu'il s'agisse de Didier Quillot (candidat recalé à la présidence des chaînes publiques) ou des deux syndicats qui contestent sa nomination, la CFDT et le SNPA-CGC.

Procédures très lentes

Tous trois contestent cette nomination au pénal. Les deux syndicats ont également déposé un recours devant le Conseil d'Etat contre la décision du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) désignant Delphine Ernotte. Autrement dit, si le Conseil d'Etat donne un jour raison aux deux syndicats, la nomination de Delphine Ernotte serait alors annulée a posteriori.

Mais ça n'est pas pour demain, car toutes ces procédures seront très lentes. D'abord, le Conseil d'Etat indique que les recours déposés sont des procédures au fond, qui prendront au minimum un an. Autrement dit, les plaignants ont choisi de ne pas utiliser la procédure d'urgence -le référé-, qui aurait permis d'obtenir une décision très rapide, avant même l'entrée en fonctions de Delphine Ernotte. "Nous n'avons pas utilisé le référé, car il est bien plus difficile d'obtenir gain de cause avec en référé", explique un des plaignants.

Lâcher l'affaire ou pas

Quant aux procédures pénales, les plaintes ont été classées sans suite par le parquet de Paris le 16 juillet, comme l'a indiqué Mediapart. Pour la CFDT, "ce dossier, qualifié de 'très politique' par des sources parquetières, gênait sans doute le parquet aux entournures." En clair, les plaignants accusent le parquet d'avoir enterré l'affaire sur ordre du gouvernement, auquel le parquet est hiérarchiquement soumis.

Les deux syndicats ont décidé de passer outre, et de poursuivre la procédure malgré ce classement. Ils se sont constitués partie civile, ce qui entraîne automatiquement l'ouverture d'une information judiciaire menée par un juge d'instruction indépendant du parquet. En revanche, Didier Quillot a décidé de lâcher l'affaire, à en croire l'Opinion.

Toutefois, cette procédure-là sera bien plus longue. "Si le parquet, au lieu de classer l'affaire sans suite, avait lancé une enquête, cela serait allé très vite: cette enquête aurait pu aboutir sous trois mois", fulmine un plaignant.

Silence dans les rangs au CSA

Mais ces plaintes devront aussi surmonter bien d'autres obstacles. D'abord, il est juridiquement difficile de savoir ce qui s'est vraiment dit lorsque le CSA a débattu de la nomination du patron de France Télévisions. En effet, la loi stipule que "les membres du CSA sont tenus de respecter le secret des délibérations". Un plaignant confirme: "briser ce secret pose une vraie difficulté juridique".

Or la teneur des débats est l'objet même des plaintes. Par exemple, le recours en Conseil d'Etat s'appuie sur ce qu'aurait dit lors de ces débats le président du CSA, Olivier Schrameck. Ce dernier "s'est livré à une déclaration liminaire, invitant les membres du CSA à ne pas déstabiliser d'autres entreprises du même secteur, et évoquant en particulier la situation de Marie-Christine Saragosse, en charge de l'audiovisuel extérieur", accuse la plainte. 

Confidences off the record

Ultime difficulté: les plaintes reposent sur des articles de presse. Or il y a un pas entre des confidences faites off the record à un journaliste, et un témoignage devant la justice.

Par exemple, le recours en Conseil d'Etat accuse l'un des membres du CSA, Sylvie Pierre-Brossolette, de "disposer d'un a priori favorable à la candidature de Delphine Ernotte". A l'appui, le recours affirme que "Sylvie Pierre-Brossolette a organisé un déjeuner entre Delphine Ernotte et François Pinault". Cette affirmation provient d'un article de Mediapart, dans lequel Sylvie Pierre-Brossolette nie avoir joué un tel rôle. De manière assez alambiquée toutefois...

Interrogé, le parquet de Paris n'a pas répondu, tandis que le CSA, Didier Quillot et la porte-parole de Delphine Ernotte se sont refusés à tout commentaire. Le 4 juin, les membres du CSA avaient affirmé, dans un communiqué commun: "le délibéré s’est déroulé dans la plus totale indépendance et la plus stricte impartialité, au terme d’une procédure qui a respecté le principe d’égalité entre les candidats, et dont chaque étape a été débattue et collégialement acceptée par le CSA".

Sur quoi portent les plaintes?

Le recours en Conseil d'Etat
*la procédure était "irrégulière" en raison de la "partialité" d'Olivier Schrameck et de Sylvie Pierre-Brossolette, et de la procédure adoptée
*le CSA a "insuffisamment motivé" sa décision
*le CSA a commis "une erreur manifeste d'appréciation" en retenant une candidate n'ayant "aucune expérience dans le domaine des médias et de l'audiovisuel, à la différence de nombreux autres candidats évincés"

La plainte au pénal
*un "trafic d'influence" est reproché à Olivier Schrameck
*un "abus d'autorité" et un "manquement à l'obligation de probité" aurait été commis par le CSA

Jamal Henni