BFM Business
Culture loisirs

Lagardère se dit prêt à racheter Canal Plus

Arnaud Lagardère ne serait pas contre le rachat des parts de Vivendi dans Canal Plus

Arnaud Lagardère ne serait pas contre le rachat des parts de Vivendi dans Canal Plus - -

Le co-gérant de Lagardère évoque un possible rachat des 80% de Vivendi dans Canal Plus. Une déclaration qui ressemble à un coup de bluff, l'héritier n'ayant pas les moyens d'une telle acquisition.

Arnaud Lagardère crée la surprise. Dans un entretien au journal Le Monde, daté du 3 mai, le co-gérant du groupe Lagardère déclare qu'il est prêt à racheter 100% de Canal+ France, dont son groupe détient actuellement 20 % du capital.

"Si Vivendi manque d'optimisme quant à l'avenir de Canal Plus France, je suis prêt à étudier la reprise des 80% qu'ils détiennent et à les introduire en bourse à des conditions favorables", assure-t-il. Selon lui, "Canal Plus France mérite un projet de croissance ambitieux. C'est tout l'objet de la procédure que nous avons engagée dans le strict respect de l'intérêt de Canal Plus France".

Le bluff de l'héritier

Une telle déclaration est surprenante à plus d'un titre. D'abord, elle est à l'opposé de la stratégie passée d'Arnaud Lagardère. En effet, il possédait une option pour monter à 34% du capital de la chaîne cryptée, qui a expiré fin 2009 sans qu'il l'exerce. Il y a trois ans, il avait même déclaré en assemblée générale: "nous n'investirons pas dans les grandes chaînes hertziennes ou payantes". Il s'était alors délesté de sa chaîne TNT D17.

Surtout, la proie est probablement au-dessus de ses moyens. En effet, Lagardère valorise Canal Plus France à 5,8 milliards d'euros (pour 100% du capital). Avec une telle valorisation, racheter la chaîne cryptée obligerait donc Lagardère à faire à Vivendi un chèque de 4,6 milliards d'euros. Une somme que Lagardère ne possède pas. Au contraire, le groupe est lourdement endetté (1,7 milliard d'euros à fin 2012). Et doit faire face à une première échéance de remboursement de 886 millions d'euros en 2014.

La marge de manoeuvre du groupe est d'autant plus étroite qu'il distribue de généreux dividendes: 1,3 euro par action depuis 2008, ce qui consomme 165 millions de trésorerie chaque année, soit plus que le bénéfice net... Une explication est qu'Arnaud Lagardère (qui possède 9,6% du capital) est lourdement endetté, et a donc besoin de ces dividendes pour payer les intérêts de sa dette personnelle. Il est donc assez probable que le dividende reste à ce niveau élevé dans les années à venir.

Tactique de diversion

Certes, Lagardère vient de toucher un joli chèque de 2,3 milliards d'euros en vendant sa participation dans EADS. Mais d'ores et déjà, il a décidé d'en reverser la moitié à ses actionnaires, via un super dividende. Une petite partie sera aussi utilisée pour verser une prime exceptionnelle à tous les salariés. Après tout cela, il ne devrait donc rester qu'un petit milliard d'euros. Dans son entretien au Monde, Arnaud Lagardère précise que l'argent qui reste sera utilisé pour "se désendetter et procéder à des acquisitions", même si "nous n'avons pour l'heure aucun projet significatif de rachat".

Et même si toutes ces difficultés étaient surmontées, Vivendi devrait -sauf surprise- refuser une telle offre. En effet, le groupe répète depuis plusieurs mois vouloir se renforcer dans les médias. En outre, Vivendi se retrouverait alors avec seulement une petite partie des actifs de Canal Plus (ceux qui ne sont pas dans le périmètre Canal Plus France), c'est-à-dire iTélé, D8, D17, les filiales en Pologne et au Vietnam... Bref, un "Canal Minus" qui n'aurait aucune logique industrielle...

"Cette sortie tonitruante est donc au mieux une tactique dans le conflit en cours autour de Canal Plus, au pire une diversion qui ne trompera pas grand monde", pointe un observateur. 

>> A lire aussi - Lagardère ajourne l'introduction en bourse de Canal Plus

Jamal Henni