BFM Business
Services

Le big data au chevet de la malbouffe

L'analyse des masses de données intéresse les industriels de l’agroalimentaire. Elle peut notamment les aider à garantir l’origine et la qualité sanitaire d’un produit.

L'analyse des masses de données intéresse les industriels de l’agroalimentaire. Elle peut notamment les aider à garantir l’origine et la qualité sanitaire d’un produit. - AFP-AHMAD GHARABLI

Les industriels de l’agroalimentaire collaborent avec des statisticiens afin d’améliorer la qualité des aliments. L’analyse des "jeux de données" aide aussi à suivre et anticiper les tendances de consommation.

Des mathématiques pour cuisiner des cookies. Le lien entre cette science et l’industrie agroalimentaire n’est pas forcément évident de prime abord. Et pourtant, l’exploitation des masses de données aide des entreprises agroalimentaires à améliorer leur productivité. Ce, depuis des années. "J’ai collaboré en 2006 avec des statisticiens de chez Danone pour améliorer la qualité des biscuits produits", se souvient Christian Preda, enseignant en statistiques et chercheur à l’Inria de Lille.

Pour fabriquer des biscuits, il faut d’abord sélectionner la farine, entamer le pétrissage pour créer la pâte, puis la mettre en forme, la cuire et enfin tester les biscuits ainsi obtenus. Le processus de contrôle qualité demande des ressources humaines et du temps. Avec d’autres chercheurs mathématiciens, Christian Preda a donc décidé d’appliquer l’analyse des courbes statistiques à ce cas. "La résistance de la pâte est enregistrée au cours du processus de pétrissage, ce qui permet d’établir des courbes. C’est à partir de l’analyse de ces courbes que l’on a cherché à prédire la qualité d’un biscuit. Ceci a permis de court circuiter les étapes suivantes, et de savoir dès le pétrissage si les biscuits allaient être de bonne qualité", raconte le statisticien.

Gains de productivité et meilleure qualité des produits

Les courbes étant très grandes, les méthodes de statistiques classiques n’étaient pas applicables. D’où l’usage de cette méthode d’analyse des données fonctionnelles. Les flots de données sont très importants, ils sont analysés à grande vitesse à des fins prédictives. C’est en cela que l’on parle de Big data. Cette analyse a de quoi engendrer de beaux gains de productivité. "La courbe étudiée pouvait permettre de prédire à 88% la qualité d’un biscuit. Cela a été un gain de temps pour Danone, et leur a également permis d’améliorer le processus de contrôle de la qualité des farines sélectionnées", se souvient ce professeur de l’Ecole Polytechnique universitaire de Lille.

Mais l’analyse des masses de données intéresse les industriels de l’agroalimentaire pour d’autre raisons. Elle peut notamment les aider à garantir l’origine et la qualité sanitaire d’un produit. Dans les usines de la chaîne américaine "Cheesecake factory", des capteurs reliés à un logiciel d’IBM observent la couleur des ingrédients, ce qui permet de récupérer en temps réel les produits suspects, avant qu’ils ne soient distribués. La qualité d’une viande peut aussi être étudiée. "Les longueurs d’ondes recueillies par un spectromètre permettent de prédire très fidèlement le pourcentage de protéines contenues dans un morceau", illustre Christian Preda.

Mieux encadrer les labels laitiers

La traçabilité du lait pourrait aussi en être améliorée. "Avec le professeur Gilbert Saporta et des chercheurs Belges, nous collaborons actuellement pour améliorer la qualité du lait produit en Wallonie. Nous réfléchissons à un système de garantie des labels qualité en fonction de la provenance du lait", expose le statisticien. Ils recueilleront des informations relatives à l’état de santé et de stress des vaches, la qualité de l’air, la météo. Grâce à l’analyse de courbes de données, ils espèrent réussir à créer un outil logiciel capable de détecter automatiquement d’où vient un échantillon de lait par simple prélèvement. De quoi donner un beau coup de pouce aux chargés des contrôles de qualité et encadrer strictement l’utilisation des labels. 

Enfin, plus en aval de la production, l’exploitation des données de consommation de produits alimentaires revêt une application marketing. À titre d’exemple, la plateforme en ligne Food Genius recense les commandes de près de 360.000 restaurants. De quoi dégager des tendances de consommation à partir des millions de plats commandés et donc d’anticiper les modes et les niveaux de demande.

Adeline Raynal