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Le combat de la dernière chance pour les chauffeurs "LOTI" d'Uber

L’AMT (Alternative Mobilité Transport) et l’Union des capacitaires de France appellent leurs troupes à se mobiliser le 2 janvier et demandent aux plateformes de les rejoindre.

L’AMT (Alternative Mobilité Transport) et l’Union des capacitaires de France appellent leurs troupes à se mobiliser le 2 janvier et demandent aux plateformes de les rejoindre. - Thomas Samson - AFP

Les 2 et 3 novembre, la loi Grandguillaume sera examinée par le Sénat. Certains chauffeurs qui travaillent pour les plateformes de VTC sont vent debout contre la modification du statut de LOTI. Leurs représentants veulent manifester et appellent Uber, et ses concurrents, à les soutenir en coupant leur appli.

Pacifier les relations entre les différents acteurs de la mobilité. C’est l’ambition de Laurent Grandguillaume dont la loi, adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale, sera examinée par les sénateurs les 2 et 3 novembre. Et pour l’heure, cette pacification est loin d’être assurée.

Depuis quelques jours, l’AMT (Alternative Mobilité Transport), une association qui revendique 170 entreprises adhérentes soit 1.500 chauffeurs, et l’Union des capacitaires de France, appellent leurs troupes à se mobiliser le 2 novembre dans un mouvement qui démarrera dès 8 heures, près de la gare Montparnasse, à Paris. Dans un courrier que nous nous sommes procuré, l’AMT propose aussi aux plateformes (Uber, Chauffeur Privé, Snapcar…) de les rejoindre dans cette manifestation.

Un délai un peu trop raccourci?

Le point d’achoppement concerne les chauffeurs ayant opté pour le statut de "capacitaires LOTI" qui doit être revu en profondeur par le député de Côte d’Or. Leur particularité? Ces chauffeurs ont un avantage sur les VTC. Ils peuvent employer autant de personnes qu’ils le souhaitent sans que ces dernières aient besoin de passer l’examen de VTC.

Dans son texte, Laurent Grandguillaume propose de ne conserver les LOTI dans leurs formes actuelles que dans les villes de moins de 100.000 habitants. Dans les grandes agglomérations, ils seront "transformés" en VTC et ne pourront donc plus, en toute logique, continuer à employer des chauffeurs sans statut.

La loi propose à ces chauffeurs de devenir VTC sans passer d'examen. Il leur suffira de montrer 12 bulletins de salaires au service d'un chauffeur LOTI. Problème, la date butoir qui avait été fixée au mois de juillet 2017 a été rapprochée. Tout doit être envoyé avant le 1er janvier.

La "faillite assurée" pour les entreprises

Pour Joseph François, président de l’AMT, cette mesure, si les sénateurs l’adoptent, menacerait directement 12.000 emplois. "Nous ne pouvons envisager de recruter des CDI avec des salariés qui dans trois mois ne pourront plus travailler". Il évoque aussi des licenciements massifs, car "la plupart de nos chauffeurs salariés ont été recrutés cette année et ne disposeront pas au 1er janvier 2017 des 12 bulletins de paie requis pour avoir leurs cartes VTC". Ces salariés ne seront pas les seuls à être menacés, car, selon l’AMT "c’est la faillite assurée" pour les entreprises.

Difficile de savoir aujourd’hui combien de chauffeurs participeront à cette manifestation et si les plateformes "couperont" leurs applis quelques heures comme le leur a demandé Joseph François. En le faisant, elles risqueraient de confirmer le lien de subordination avec leurs chauffeurs qui, s’ils ne désirent pas suivre le mouvement, y seront de fait contraints.

L’autre interrogation des plateformes relève de la logique concurrentielle. Tous les acteurs savent qu’une grève chez les uns profite d’abord à ceux qui ne la font pas. Les dernières grèves des taxis ont fait le bonheur des VTCistes qui ont vu les clients affluer. De fait, aucun d’eux n’ose pour le moment officialiser qu’il rejoindra le mouvement.

Un enjeu politique lié aux Présidentielles?

Le sujet est aussi plus politique qu’il ne l’a jamais été, campagne présidentielle oblige. Selon un proche du dossier qui désire conserver l’anonymat, le passage de juillet à janvier tient avant tout à des arrières pensées politiques, d’autant que ce sont les sénateurs de droite qui ont décidé d’avancer la date limite au 1er janvier.

Pour Jean François Rapin, sénateur LR Pas de Calais, attendre juillet n’était pas logique. "On nous demande de voter un texte en urgence, et on l'applique en décalé" a-t-il affirmé dans une vidéo diffusée sur le compte Twitter du Sénat.

Sur ce réajustement, d’autres ont une interprétation bien différente. "L'administration ne pourrait pas délivrer les cartes en temps et en heure, et donc que la promesse faite par Grandguillaume d'éviter toute casse sociale ne réalisera pas", estime notre source qui pense que "si la droite gagne la présidentielle en 2017, ils ne veulent pas se retrouver redevables de cet état de fait en juin avec des chauffeurs mécontents dans la rue. Ils avancent la date pour dire à la gauche: "assumez vos promesses dès maintenant"".

Apparemment, après Thomas Thévenoud en 2014, et désormais Laurent Grandguillaume, personne ne semble avoir vraiment envie de récupérer ce dossier et de s’atteler à une éventuelle troisième loi. Sera-t-il seulement bouclé en 2017? Il serait temps.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco