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Le français Big Fernand devient anglais, non sans amertume

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- - Big Fernand

Pas assez de moyens pour se développer à l'étranger, et trop petit pour entrer en Bourse: Big Fernand n'a pas eu d'autre choix, nous explique son fondateur, que de se vendre à un fonds britannique.

C'était la success story française du hamburger, pardon du "hamburgé" comme on le prononce chez Big Fernand, pour souligner le côté français. Créée il y a 5 ans à peine, cette chaîne de fast-food haut de gamme qui propose des burgers gourmets dans des menus à 12 euros a ouvert 36 restaurants en France (9 en propre, 27 en franchise), six à l'étranger et a réalisé 18 millions d'euros de chiffre d'affaires sur son exercice 2016-2017 (50 millions si on cumule l'ensemble du réseau des franchisés). 

Bien donc, mais pas suffisant. Les fondateurs de Big Fernand ont décidé de faire appel à un fonds britannique pour continuer à croître. Bluegem va donc prendre 80% du capital de l'entreprise française et procèdera ainsi à une augmentation de capital de 7 millions d'euros, et peut-être 3 millions de plus en septembre selon le plan de développement. Une cession qui laisse un petit goût d'inachevé. Avec Big Fernand, la France -le pays de la gastronomie- semblait tenir un fleuron du fast food susceptible peut-être de rivaliser avec les nouveaux champions américains du secteur (Five Guys, Chipotle, In-N-Out). Pourquoi les créateurs de Big Fernand ont-ils alors préféré se vendre? "Il y a d'abord une opération patrimoniale pour moi qui suis actionnaire, reconnaît Steve Burggraf, président et co-fondateur de la chaîne. Mais surtout, nous avions besoin de moyens pour nous développer à l'international. Nous sommes déjà présents en Chine, à Dubaï et à Londres mais nous voulons nous développer fortement en Belgique, en Suisse, au Luxembourg et dans l'ensemble de la Grande-Bretagne". Au total, Big Fernand compte ouvrir une cinquantaine de restaurants en Europe ces prochaines années.

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- © Big Fernand

Des investissements coûteux, même pour cette enseigne qui dit être rentable depuis le début. L'ouverture d'un nouveau Big Fernand coûte 600.000 euros et ce sans compter le bail commercial. Pour continuer à croître, la chaîne qui n'a levé que 1,5 million d'euros depuis sa création n'avait pas d'autre choix que de faire entrer de nouveaux actionnaires. Bref, de se vendre au plus offrant, mais sans prendre le risque de sacrifier son image. "Depuis la création, on nous a proposé 150 fois de nous racheter, confie Steve Burggraf. Mais c'était la plupart du temps des industriels qui voulaient développer la marque en grande distribution, ce que nous avons toujours refusé. Nous avons créé beaucoup d'affect autour de cette marque, nous ne voulions pas brouiller l'image en commercialisant des produits dans des supermarchés".

"Avec un chiffre d'affaires quatre à cinq fois plus gros, l'histoire aurait pu être différente"

Même si l'actuelle direction restera à la tête de l'entreprise, on sent poindre chez les fondateurs une certaine amertume. Le sentiment de ne pas avoir réussi à garder la pépite en France. "On aurait été poussé de manière différente dans les pays anglo-saxons, estime Steve Burggraf. Il y a tout un écosystème de fonds d'investissement qui auraient sans doute permis de nous développer plus vite. Avec un chiffre d'affaires quatre à cinq fois plus gros, l'histoire aurait pu être différente". Et le patron de Big Fernand prend l'exemple de Shake Shack, une jeune chaîne américaine créée seulement quelques années avant la française. "Eux, ils ont pu entrer en Bourse pour continuer à se développer, ce qui était impossible pour nous du fait de notre taille, regrette Steve Burggraf. Le temps ne passe pas à la même vitesse chez eux et chez nous. Cinq ans en France ce n'est pas la même chose que cinq ans dans les pays anglo-saxons."

Mais le groupe va tout de même continuer à se développer dans l'Hexagone. Déjà à la tête de 36 restaurants sur le territoire, Big Fernand compte en ouvrir une quinzaine d'ici la fin de l'année. Principalement en province où la franchise est privilégiée. À terme, la chaîne table sur 80 restaurants en France en s'attaquant notamment aux gares et aux aéroports. 

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco