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Le Kazakhstan prêt à sauver Areva

Kazatomprom, détenue à 100% par l’État, est prête à investir dans le spécialiste français de l’uranium.

Kazatomprom, détenue à 100% par l’État, est prête à investir dans le spécialiste français de l’uranium. - Charly Triballeau - AFP

La compagnie minière Kazatomprom cherche à entrer au capital du géant français de l’atome. Jeudi après-midi, une délégation a rencontré, à Paris, des représentants d’Areva et de l’État actionnaire.

Le Kazakhstan s’intéresse de près à Areva. Sa compagnie minière Kazatomprom, détenue à 100% par l’État, est prête à investir dans le spécialiste français de l’uranium. Selon plusieurs sources proches du dossier, des échanges ont eu lieu ces dernières semaines entre les dirigeants d’Areva et de Kazatomprom. Ce que le ministère français de l'Industrie confirme à Reuters. "Areva discute avec les Kazakhs, comme il discute avec tous les investisseurs qui lui font part de marques d'intérêt". Une porte-parole du ministère précise qu'"à ce stade, ce ne sont que des discussions. Plus que prématuré de conclure quoi que ce soit. Toutes les offres seront regardées".

Ces discussions préliminaires avancent puisque jeudi après-midi s’est tenue, à Paris, une réunion entre les dirigeants des deux entreprises ainsi que des représentants de l’État français, actionnaire d’Areva à 85%. Les Kazakhs avaient déjà manifesté leur intérêt pour le groupe français auprès des équipes de l’ancien ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, il y a quelques mois. Ils pourraient l’officialiser en remettant une offre d’investissement le 22 octobre, jour de lancement du processus de sélection des investisseurs.

Depuis six mois, Areva fait le tour du monde pour trouver des investisseurs désireux de participer à sa recapitalisation aux côtés de l’État. Sur les 5 milliards annoncés en début d’année, 3 milliards seront consacrés au nouveau périmètre du groupe, recentré sur l’uranium, de son extraction à sa conversion. L’État souhaite limiter son investissement à 2 milliards d’euros pour conserver 75% d’Areva. L’autre milliard sera apporté par des investisseurs étrangers. Des discussions sont déjà engagées avec l’opérateur chinois CNNC et le japonais Mitsubishi Heavy Industries (MHI), tous deux déjà clients d’Areva. Mais le groupe français milite aussi pour faire entrer son partenaire Kazatomprom, le premier producteur mondial d’uranium. Les deux entreprises sont déjà partenaires depuis 2009. Elles ont créé une co-entreprise, dirigée par le groupe français, dont Kazatomprom souhaite reprendre le contrôle. "Areva pousse l’entrée des Kazakhs pour sécuriser ses gisements d’uranium là-bas, les plus rentables du groupe", assure une source proche du groupe. Contactée, la direction d’Areva n’a pas souhaité commenter nos informations.

Méfiance de l’État français

L’arrivée du Kazakhstan suscite des avis partagés au sein de l’État. Certains y voient une bonne alliance avec un pays riche en matières premières (uranium, cuivre, pétrole…). Et qui a de grandes ambitions dans le nucléaire. Kazatomprom cherche à développer ses compétences dans la conversion de l’uranium, pour en vendre à la Chine, et a besoin d’Areva pour y parvenir.

Ensuite, cela diminuerait le "reste à payer" de l’augmentation de capital que l’État assumera seul. L’investissement de ces trois pays –chacun investissant environ 300 millions d’euros- permettrait d’approcher le milliard d’euros nécessaire. "Cela diluerait aussi la présence des chinois et des japonais pour éviter qu’ils ne pèsent trop ", reconnaît une source à Bercy. Dans ce schéma, les trois investisseurs détiendraient moins de 10% du capital chacun et ne pourraient ainsi pas demander de postes au conseil d’administration.

Un point majeur pour l’État français. Car la réputation sulfureuse du président-dictateur kazakh Noursoultan Nazarbaïev, en place depuis 25 ans, fait grincer des dents. Proche à la fois de la Russie et de la Chine, il a déjà tenté un rapprochement avec la France il y a quelques années. "Nous ne sommes pas naïfs, il est hors de question qu’ils participent aux instances de gouvernance et accèdent à de l’information trop sensible", conclut une autre source au ministère des Finances. Pour compenser leur absence de l’instance dirigeante, ces futurs actionnaires siégeraient toutefois au comité stratégique pour faire valoir leurs intérêts. La décision finale de l’État français interviendra d’ici février 2017.

Matthieu Pechberty