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Le patron d’Alstom en lice pour reprendre la direction de Renault

La candidature d’Henri Poupart-Lafarge s’invite dans le processus de recherche du futur directeur général de Renault. Il pourrait faire consensus face aux deux autres candidats potentiels que sont le patron de Faurecia, Patrick Koller, et celui de Seat, l’Italien Luca De Meo.

C’est le troisième homme qu’on n’attendait pas. Le PDG d’Alstom est le nouveau candidat à la direction de Renault. Selon plusieurs sources, Henri Poupart-Lafarge a été approché il y a quelques semaines pour prendre la direction générale du constructeur automobile. Depuis qu’il s’est séparé de son patron Thierry Bolloré, Renault cherche un nouveau directeur général capable de cohabiter avec le président, Jean-Dominique Senard. Jusqu’ici, deux candidats semblaient en lice : le patron de Faurecia, Patrick Koller, et celui de Seat, Luca De Meo. Un conseil d'administration est prévu mardi prochain chez Renault pour avancer sur le dossier.

Henri Poupart-Lafarge est un nouveau candidat de taille dans la course qui endosse donc l’habit de troisième homme. Son bilan à la tête d’Alstom est bon. Au point que son conseil d’administration ne souhaite pas le voir partir. "Il a été approché pour de nombreux postes mais il n’a pas donné suite", assure un proche d’Alstom. "Prendre la tête de Renault avec les difficultés du marché auto et les crispations avec Nissan n’est pas très attrayant". Sauf qu’à terme, c’est le poste de PDG de Renault, et donc de président de l’Alliance qui peut faire rêver. "Evidemment qu’il est intéressé par le poste, Renault c’est beaucoup plus gros qu’Alstom", tranche un de ses amis.

D’autant que l’avenir d’Alstom est incertain. Même si le groupe est en bonne santé financière, son premier actionnaire Bouygues se désengage. Il a déjà abaissé sa participation de 28% à 14% et ne cache pas qu’il sortira rapidement du capital d’Alstom. Contactées, les directions d’Alstom et de Renault n’ont pas souhaité commenter.

Bercy milite pour un Français

Pour autant, Henri Poupart-Lafarge a le handicap de ne jamais avoir travaillé dans l’automobile. Même s’il connaît un peu Renault et surtout son actuelle directrice générale par intérim, Clotilde Delbos, qu’il a fait entrer au conseil d’administration d’Alstom l’an passé. Un avantage pour former un duo avec elle. Le PDG d’Alstom pourrait en tout cas créer un consensus entre les volontés de Renault et de Bercy.

Car l’Etat Français, actionnaire de Renault à 15%, privilégie plutôt un Français à la tête de Renault. L’exemple du canadien Ben Smith, qui réussit à la direction d’Air France KLM, ne suffit pas. "Renault n’est pas Air France, c’est beaucoup plus important pour l’Etat", décrypte un bon connaisseur du dossier. Ces derniers jours, Bercy semble davantage militer pour l’outsider Patrick Koller, le directeur général de Faurecia. Le patron de l’équipementier automobile, filiale de PSA Peugeot-Citroën, a un très bon bilan pour lui et connait le marché français. "Il fait activement campagne", explique un proche de Renault.

Patrick Koller, le challenger du gouvernement

Ces derniers jours, sa candidature revient dans la course. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire le trouve très bien… au point qu’il est même devenu la préférence de l'exécutif. L'avantage, c'est qu'il est Français, même si le gouvernement assure ne pas se soucier de la nationalité du futur DG de Renault. Mieux, il est franco-allemand, de quoi plaire au très germanophile (et germanophone) locataire de Bercy. A la tête de Faurecia, Patrick Koller a désormais la tâche complexe de résister à la crise qui commence à toucher les équipementiers automobiles. Surtout que l'entreprise va amorcer un virage majeur de son histoire puisque son actionnaire PSA, dans le cadre de sa fusion avec Fiat-Chrysler, s'apprête à se délester de sa filiale. Selon nos informations, le patron de PSA, Carlos Tavares, n’est pas opposé à son départ de Faurecia.

Le patron de Seat, filiale de Volkswagen, Luca De Meo faisait jusqu’ici figure de favori. Il semble être en tout cas le candidat du président Jean-Dominique Senard. A 52 ans, l'Italien présente un CV impeccable: un diplôme en administration des affaires de l'Université Luigi Bocconi de Milan suivi de 25 ans d'expérience dans l'industrie automobile. Sa première expérience ? Chez Renault où il deviendra chef de produit avant de rejoindre Toyota Motor Europe. Il est nommé responsable de la marque premium du constructeur japonais, Lexus. En 2002, il rentre au pays où il devient responsable du marketing chez Lancia, propriété de Fiat. Il y rencontre un certain Sergio Marchionne, qui a totalement relancé le groupe. Ce dernier va donner au jeune Luca de Meo de plus en plus de responsabilités, jusqu'à lui confier la direction d'Alfa Romeo. Dernière étape de son parcours, le groupe Volkswagen qui lui confie les rênes de la marque Seat en 2015.

Le patron de Seat coche toutes les cases

Le Milanais va réussir le tour de force de remettre sur pieds le constructeur espagnol avec une image jeune et branchée. En panne il y a encore quelques années, Seat est devenu une petite machine de guerre, affichant des résultats historiques en 2018 (9,98 milliards d'euros de chiffres d'affaires) en s'appuyant sur la qualité de sa maison-mère allemande. De janvier à octobre, le groupe a encore réalisé des records avec 498.700 véhicules livrés dans le monde, soit 11,1% de plus par rapport à la même période de l’année précédente.

Pour la direction de Renault, Luca de Meo coche toutes les cases. Polyglotte (il est notamment passé par l'Insead de Fontainebleau), c'est aussi un pur produit du monde de l'automobile qu'il connait par cœur. Mais son succès chez Seat est aussi le signe de la confiance que lui a accordé Volkswagen, un groupe dans lequel il peut tenter de nouvelles mobilités et où il joue les expérimentateurs. A la tête de Renault, il n'aura sûrement pas la même liberté, chaperonné par Jean-Dominique Senard, et surtout mis sous pression par Nissan qui entend bien garder son indépendance au sein de l'Alliance. L'Italien est-il prêt à rejoindre ce nid de frelons?

Mathieu Pechberty avec Thomas Leroy