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Le plan de H&M pour vous séduire sur le web

Si H&M accélère sur le web, c'est pour vous faire venir en magasin.

Si H&M accélère sur le web, c'est pour vous faire venir en magasin. - Mike Mozart - Flickr - CC

Le géant suédois de la vente de vêtements, qui s'est lancé tardivement sur le web, met la gomme sur ce canal en 2017, avec 6 nouveaux e-shops, et des services très séduisants pour les internautes.

H&M veut devenir un géant du e-commerce. Le géant suédois de l'habillement, qui formule d'habitude comme seul objectif 10 à 15% d'ouvertures de magasins en dur, a annoncé cette semaine passer à l'ère 2.0. En 2017, il vise toujours 10 à 15% de croissance, mais cette fois de ses ventes, à la fois en magasin et sur les e-stores. Avec une stratégie infaillible.

Pour la mettre au point, le 2ème vendeur mondial de vêtements derrière Inditex (la maison-mère de Zara) a bien travaillé. Une délégation d'une dizaine de dirigeants H&M a ainsi été repérée l'année dernière à New York dans une boutique très spéciale: le magasin connecté de Rebecca Minkoff, marque américaine féminine haut de gamme.

La cliente y est accueillie devant un immense écran connecté. Elle y fait défiler des looks, y sélectionne directement les articles. Lorsque ces articles, à la bonne taille, sont installés en cabine, elle reçoit un SMS. Dans la cabine, là encore, le miroir est un écran connecté qui lui permet notamment de gérer l'éclairage en fonction de l'ambiance qu'elle veut: "Soho la nuit", "Brooklyn à l'aube", "l'après-midi à Manhattan". Si elle achète, elle ne fait plus la queue à la caisse: chaque vendeur est équipé d'un lecteur de carte et peut encaisser pendant que la cliente est tranquillement assise dans un fauteuil.

Alors certes, H&M n'est pas une marque haut de gamme, et ne compte pas le devenir, mais elle va s'inspirer très largement de ce modèle qui abolit les frontières entre physique et digital. Le PDG du groupe évoque ainsi dans le bilan annuel sa volonté de mixer "mondes numérique et physique afin d'offrir aux clients une expérience de shopping plus fluide". Concrètement, Karl-Johan Persson a parlé de nouveaux services, comme la possibilité de rendre en magasin les articles achetés en ligne, ou inversement, le fameux "click & collect": la réservation d'articles sur le web pour aller les acheter en magasin.

Ces options sont faciles à proposer pour le groupe qui maille 64 pays du monde avec près de 4.500 magasins, et 400 censés ouvrir cette année. Et elles devraient paraître séduisantes à sa cible: les petits budgets, qui ne dépenseront pas les 60 euros minimum nécessaires pour être livrés gratuitement, et les jeunes, qui continuent de préférer se rendre en boutique parce que "le shopping est une activité sociale pour eux", constate l'Institut français de la mode.

Les ventes en ligne alimentent celles en magasin 

À l'arrivée, pour la marque, ces nouveaux services garantissent des économies, et des bénéfices supplémentaires. Parce que les ventes en ligne vont alimenter celles en magasin. "Quand un client vient à la boutique retourner ou collecter un achat, une fois sur deux, il sort avec un article en plus", explique Pierre Casanova, responsable chez Content Square, spécialiste de l'optimisation du parcours digital des consommateurs.

En outre, les retours ou collectes directement en boutique réduisent les besoins en logistique, l'étape la plus coûteuse du e-commerce, et une des raisons pour lesquelles H&M s'est lancé si tardivement sur le web. Le géant suédois n'a ouvert son e-shop aux États-Unis qu'en 2013, et même en 2014 en France. À l'époque, il n'atteignait même pas 10 marchés en ligne, quand Zara en était à 23, qu'Amazon existait depuis 20 ans et ventes-privées.com plus de 10 ans.

En 2014, le web n'était pas rentable pour H&M. Le groupe aux tout petits prix est obligé de vendre beaucoup pour conserver des marges. Or sur la vente en ligne, avec le coût de la livraison et des retours, il ne rentrait pas dans ses frais. D'autant que la logistique pour le e-commerce -des petits paquets à livrer en de très nombreux lieux- n'a rien à voir avec celle des magasins, où il faut répartir de gros stocks entre quelques adresses.

Aujourd'hui, "à mesure que le e-commerce s'est imposé, les coûts ont baissé" affirme Pierre Casanova. Si bien quen permettant d'économiser en mètres carrés commerciaux et en masse salariale, "les ventes web sont devenues plus rentables qu'en magasin", affirme Pierre Casanova. D'autant que H&M, qui produit à 80% en Asie, se concentre sur ce continent pour l'ouverture de nouveaux e-shops. Le groupe, qui vend actuellement en ligne dans 35 de ses 64 marchés, veut désormais commercer sur le web à Taïwan, Macao, Hong-Kong, Singapour, en Malaisie et en Turquie. Avec des frais de transport forcément inférieurs du fait des distances réduites entre fabricants et clients finaux. 

Quant à l'Europe, où le retailer écoule 75% de sa marchandise, le web devrait également devenir un vrai relais de croissance. Rien qu'en France, le e-commerce capte désormais 17% des dépenses en habillement selon l'étude 2016 de la Fevad et l'Institut français de la mode. Une part en croissance continue, alors que les ventes en magasin, elles, reculaient de 2% l'année dernière.

Le géant du retail devra veiller à démarquer suffisamment sur ce canal où plus de 93% des achats se font à prix barrés (Fevad-IFM). Mais pas trop, pour éviter l'écueil rencontré l'année passée: en multipliant les promotions pour déstocker en 2016, le géant a certes atteint un record de chiffre d'affaires -20 milliards d'euros, en hausse de 7%- mais il a vu fondre ses marges. Son bénéfice net a chuté de 11% à 2 milliards d'euros.

Nina Godart
https://twitter.com/ninagodart Nina Godart Journaliste BFM Éco