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Le plan du gouvernement pour privatiser la FDJ 

Le futur tour de table pourrait aussi faire un peu de place aux buralistes qui assurent 70% du chiffre d’affaires de la FDJ

Le futur tour de table pourrait aussi faire un peu de place aux buralistes qui assurent 70% du chiffre d’affaires de la FDJ - BFMTV

Bercy est prêt à introduire en Bourse la Française des Jeux. Cette privatisation rapporterait au moins 1 milliard d’euros à l'État.

La privatisation de la FDJ avance. Ces derniers mois, le ministère de l’Économie a planché sur différentes options pour vendre tout ou partie de la participation de 72% de l’État dans la Française des Jeux (FDJ). "Aucune décision ni orientation n’a été prise" a assuré Bercy mercredi. Mais, dans ses grandes lignes, le projet émerge clairement.

Selon plusieurs sources proches, Bercy privilégie une introduction en Bourse de la société. Scénario déjà envisagé en 2008 et 2015, il est la seule voie réaliste. Vendre directement à des industriels des jeux ou des casinotiers serait politiquement sensible alors que les noms de Vivendi, Barrière ou Partouche circulent. Une mise en Bourse "permet aussi de les faire entrer au capital sans leur donner les clés", explique une source. Elle permettrait surtout au gouvernement de mettre en œuvre plusieurs pans de politique économique qui seront intégrés dans la loi de Bruno Le Maire au printemps prochain.

D’abord, une introduction en Bourse serait l’occasion de relancer l’actionnariat individuel auprès des Français. "La FDJ est un bon placement de père de famille, reconnait un proche de la société. C’est une manière de rendre de l’argent aux joueurs qui ne gagnent pas". La dernière grande opération d’épargne populaire lancée par l’État était l’introduction en Bourse d’EDF en… 2005. Le gouvernement souhaiterait aussi en profiter pour mettre en avant l’actionnariat salarié, cher à Emmanuel Macron. Les salariés de la FDJ détiennent déjà 5% de l’entreprise.

Un valeur supérieure à 3 milliards d’euros

L’État vise avant tout une transaction financière de grande ampleur. Il table sur une valorisation de la FDJ supérieure à 3 milliards d’euros dont il souhaite récupérer entre 1 et 1,5 milliard d’euros. Ces montants sont des ordres de grandeur mais ils illustrent bien les ambitions de l’État, qui détient 72% de la FDJ. La fiscalité et le cadre réglementaire devront être fixés à long terme pour rassurer les investisseurs et maximiser la valeur de l’entreprise. Le scénario central étudié par l’administration de Bercy vise donc une véritable privatisation qui verrait l’État descendre sous la barre symbolique de 50% du capital. Selon les valorisations retenues, il pourrait conserver entre 25% et 35% de l’entreprise. À ses côtés, les associations d’anciens combattants (Gueules cassées, Maginot) garderaient leur participation de 20% ou pourraient l’augmenter légèrement.

Le futur tour de table pourrait aussi faire un peu de place aux buralistes qui assurent 70% du chiffre d’affaires de la FDJ. Des actions de préférence pourraient être proposées aux 25.000 débitants pour les encourager à vendre davantage de jeux. D’autant qu’avec la forte hausse du prix des cigarettes (le paquet doit passer à 10 euros fin 2020) leurs recettes liées au tabac vont stagner. En revanche, leurs commissions tirées des jeux augmentent chaque année. Elles pesaient 718 millions d’euros en 2016, soit 30% de leur chiffre d’affaires.

Garder la main sur la gouvernance

Au centre de ses calculs, le gouvernement se heurte à une réglementation européenne contraignante. S’il descend sous le seuil symbolique de 50% du capital, l’État français devra justifier auprès de Bruxelles qu’il garde la main sur la gouvernance de la FDJ. Sinon, le monopole de la loterie saute et devra être ouvert à des concurrents étrangers. Un scénario inenvisageable qui provoquerait un effondrement de la valeur de la FDJ et empêcherait sa privatisation. "L’État gardera d’une façon ou d’une autre la main sur la gouvernance" reconnaît un proche de l’entreprise.

Plusieurs possibilités s’offrent à lui. Mais il est hautement probable que la loi "Florange" soit appliquée à la FDJ. Elle permet à un actionnaire de long terme de bénéficier de droits de vote double. Ainsi, lorsqu’il était ministre de l’Économie, Emmanuel Macron l’avait fait appliquer dans la plupart des entreprises où l’État est actionnaire. Il avait même créé la polémique en l’imposant chez Renault.

Ces droits de vote double lui permettraient, selon la participation qu’il détiendra, d’obtenir la majorité des voix en assemblée générale et donc au conseil d’administration. Si cela ne suffisait pas, il pourrait signer un pacte d’actionnaires avec les associations d’anciens combattants pour garder, avec elles, le contrôle sur la gouvernance tout en satisfaisant les exigences de Bruxelles.

Matthieu Pechberty