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Le téléphérique descend de sa montagne pour conquérir la ville

A Londres, depuis 2012, un téléphérique urbain enjambe la Tamise.

A Londres, depuis 2012, un téléphérique urbain enjambe la Tamise. - Emmanuel Dunand-AFP

Longtemps réservé aux amateurs de sport d'hiver, le téléphérique devient un mode de transport urbain au même titre que le bus ou le tram. D'abord rétive, la France accueillera en 2016 sa première ligne aérienne à Brest. D'autres devraient suivre.

Cantonné à une vocation touristique et montagnarde, le téléphérique a-t-il un avenir dans la ville? Oui, ont déjà répondu plusieurs villes dans le monde même si, au final, elles en ont fait une attraction touristique. New York a ouvert dès 1976 le Roosevelt Island Tramway qui enjambe l'East River. A Londres, depuis les Jeux olympiques de 2012 on franchit la Tamise grâce une liaison aérienne d'un kilomètre et Porto a inauguré en 2011 son propre télécabine.

Son décollage en tant que moyen de transport urbain, destiné aux déplacements quotidiens, est favorisé par la transition énergétique. Sobre en énergie, silencieux, le téléphérique a un autre atout: il n'empiète pas l'espace dédié à la voirie que doivent déjà se partager voitures, bus, vélos et piétons. Son emprise au sol se limite aux stations de départ et d'arrivée, voire quelques gares intermédiaires.

Du point de vue de l'aménagement des villes, un téléphérique permet de franchir des dénivelés ou des fleuves, de désenclaver des quartiers à l’accès difficile ou de décongestionner les réseaux de transport.

Seul problème: les résidents des maisons survolées

Mais en France, hormis Grenoble et son téléphérique à vocation touristique inauguré en 1934, aucune ville n'a accueilli de "bennes" dans son ciel. Dans l'Hexagone, ses atouts ont été handicapés par son grand inconvénient, le survol des villes par les câbles aériens. 

Deux obstacles se dressent: l'un juridique, l'autre plus sociétal. Le téléphérique dans la ville n’autorise pas de survol sans rachat ou expropriation, à l’inverse de la montagne où le téléphérique peut s'élever au-dessus de propriétés privées.

En outre, les riverains sont très réticents à voire passer au-dessus de leurs habitations, des cabines tractées par un câble. A Issy-les-Moulineaux, au sud-ouest de Paris, la municipalité a dû faire marche arrière, en 2008, sous la pression de ses habitants, inquiets à l'idée d'être survolés par une télécabine. Celle-ci devait pourtant désenclaver un quartier éloigné du centre-ville.

Une ordonnance va lever un obstacle juridique

Mais, un nouvel allié du téléphérique urbain est arrivé avec la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique. Celle-ci prévoit de faciliter, en les relançant, les projets de "transport urbain par câble". 

A cette fin, la ministre de l'Ecologie a présenté, le 3 février 2016, un projet de loi ratifiant une ordonnance, en conseil des ministres. Ce texte vise à éviter des expropriations systématiques en cas d'implantation d'un téléphérique en zone urbaine, en instaurant des restrictions à la jouissance de terrains privés.

A cette occasion, la ministre Ségolène Royal s'est félicitée de l'existence d'une dizaine de projets de téléphérique urbain en France (cf tweet ci-dessous). Le premier d'entre eux, financé en partie par des crédits de l'État, va être inauguré à Brest dès cette année. Construite par Bouygues Construction, cette liaison aérienne survole une rivière pour délester deux ponts routiers existants, en assurant une jonction en ligne droite.

Ses deux stations, son pylône central de 80 mètres de hauteur et ses deux cabines de 60 places fournies par la société suisse BMF, auront coûté 19,1 millions d'euros avec pour objectif de transporter 675.000 passagers par an.

Cette réalisation illustre aussi les limites du téléphérique. Ce moyen est plus adapté à la desserte de lignes droites composées d'un point de départ et d'un point d'arrivée, laissant peu de places à d'autres arrêts intermédiaires.

Loin d'être universel, ce mode de transport se conçoit plus comme un moyen d’intermodalité, s'insérant dans un réseau de transport public existant. C'est dans cette perspective qu'il intéresse de plus en plus de collectivités.

D'autres projets sont en gestation comme à Toulouse, où des télécabines relieraient un centre de recherche médicale sur le cancer, un centre hospitalier universitaire et une université. Dans le Val-de-Marne, un projet de liaison de 5 kilomètres pourrait relier une station de métro Créteil aux communes de Limeil-Brévannes et Villeneuve-Saint-Georges.

Frédéric Bergé
https://twitter.com/BergeFrederic Frédéric Bergé Journaliste BFM Éco