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Le vibrant adieu du patron d'Alcatel-Lucent

Le PDG d'Alcatel-Lucent, Michel Combes, donnait probablement à Stéphane Soumier sa dernière interview en tant que patron du groupe qui va se marier avec Nokia.

Le PDG d'Alcatel-Lucent, Michel Combes, donnait probablement à Stéphane Soumier sa dernière interview en tant que patron du groupe qui va se marier avec Nokia. - BFM Business

En ce jour d'officialisation du mariage entre Nokia et Alcatel-Lucent, pour donner naissance à Nokia Corporation, le patron du franco-américain, Michel Combes, était sur BFM Business ce 15 avril.

Alcatel-Lucent n'existe plus ce mercredi. Le nom français va disparaître. Absorbé par l'équipementier télécom finlandais Nokia, le groupe issu de la fusion s'appellera Nokia Corporation. Un groupe dirigé par les patrons de Nokia, à qui ceux d'Alcatel-Lucent cèdent la place. Sur BFM Business ce 15 avril, Michel Combes, le directeur général d'Alcatel-Lucent, dit avoir "bien entendu conscience que c'est un choc pour les collaborateurs et les salariés de l'entreprise, mais je pense que c'est également une très grande fierté, car nous donnons naissance au premier groupe technologique européen". 

"A un moment où le monde est en train de basculer dans le numérique, la présence d'un groupe technologique fort en Europe, comme il en existe aux Etats-Unis ou en Chine, était une nécessité", martèle-t-il, évoquant "un jour historique en France et en Europe". Nokia Corporation sera "un champion technologique, 40.000 chercheurs, 5 milliards d'euros d'investissement en R&D par an. Une force de frappe considérable", se félicite le dirigeant d'Alcatel-Lucent. 

Le nom n'est pas important, l'ancrage en France oui

Ne faut-il pas regretter la disparition du nom Alcatel-Lucent? "Le nom Nokia est un beau nom, il représente une aventure technologique intéressante", pointe Michel Combes. "Lorsque vous rapprochez deux groupes, c'est plus simple de ne garder qu'un nom, court et simple", ajoute-t-il. De son point de vue, "au-delà du nom, ce qui est important, c'est de renforcer l'ancrage du nouveau groupe en France. Or ce projet permet, paradoxalement, de renforcer les capacités technologiques de la France". Et de lister les engagements des futurs mariés sur ce thème, comme "augmenter les activités de R&D en France de 25%". 

C'est notamment bon pour l'emploi puisque 500 chercheurs de plus vont être recrutés en France, où leurs effectifs vont ainsi passer de 2.000 à 2.500. Des spécialistes amenés à travailler sur la 5G, souligne Michel Combes. Parmi ces 500 postes, 300 seront dédiés à des jeunes. "C'est la première fois qu'Alcatel se remet à embaucher en R&D en France", s'enthousiasme-t-il.

Financer un écosystème numérique français

"Nous nous sommes engagés à maintenir nos effectifs globaux en France. Il pourra y avoir des ajustements, un peu plus de R&D et un peu moins d'activité support. Mais au global, nous maintiendrons l'emploi", prévient-il. En outre, "le pilotage de l'activité innovation et recherche au plan mondial du nouveau groupe sera opéré depuis la France, alors qu'il ne l'était pas aujourd'hui chez Alcatel-Lucent, ni bien sûr chez Nokia". 

Dernier engagement: "financer l'écosystème numérique français". Michel Combes annonce "la création d'un fonds de 100 millions d'euros dédié aux start-up dans le domaine de l'internet des objets. Nous annonçons par ailleurs un financement de plus de 20 millions d'euros par an du milieu universitaire, et la mise en place de plateformes technologiques permettant aux entreprises de tester leurs nouveaux produits. Nous allons ainsi irriguer l'écosystème numérique français".

Le patron de Nokia, qui s'est rendu à l'Elysée mardi aux côtés de Michel Combes pour évoquer ce mariage, a en effet estimé, selon ce dernier, que "l'environnement français, en termes de formation, en termes d'avantages fiscaux, est positif".

Michel Combes s'efface au profit du projet

L'exécutif de Nokia restera seul aux manettes. Michel Combes, arrivé il y a seulement deux ans à la tête d'un groupe alors à l'agonie, va s'effacer. "Je pense que dans des projets de ce type, qui sont difficiles, qui sont des projets de regroupements d'entreprises, il faut une gouvernance unifiée. J'ai choisi, et j'ai demandé à mon board, de ne pas se battre pour ces équilibres de pouvoir entre chairman et CEO, qui ont toujours fait échouer ces projets de rapprochements. Parce que les fusions entre égaux n'existent pas. J'ai mis l'intérêt de l'entreprise au premier plan, et j'ai accepté de me retirer progressivement pour donner les clés aux dirigeants de Nokia, que je connais depuis très longtemps et qui sont très bons. Je leur fait confiance pour réussir ce pari", a expliqué le dirigeant. 

"Je vais écraser une larme vis-à-vis de mes collaborateurs, je vais écraser une larme pour moi. Mais c'est une nouvelle page qui s'ouvre, d'une entreprise européenne avec un ancrage français solide. Le rôle d'un patron est de savoir s'effacer lorsque l'intérêt de l'entreprise prime", lâche-t-il, ému. 

N.G.