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Les actionnaires ultra-chic de Slate.fr

Alain Minc et Jean-Marie Colombani en 2003 lorsqu'ils dirigeaient "le Monde"

Alain Minc et Jean-Marie Colombani en 2003 lorsqu'ils dirigeaient "le Monde" - Joel Robine AFP

Bernard Arnault, Alain Minc, René Ricol, Fabrice Larue, Jean-Cyril Spinetta, Stéphane Boujnah... ont discrètement investi dans le site web.

Les assemblées d'actionnaires de Slate.fr doivent ressembler à un conseil d'administration du CAC40. La fine fleur de l'establishment français des affaires est en effet actionnaire du site web.

On y trouve ainsi LVMH, le cabinet d'expertise comptable de René Ricol, Alain Minc, Stéphane Boujnah (PDG d'Euronext), Fabrice Larue (président de Newen), Dominique d'Hinnin et Pierre Leroy (directeurs généraux délégués de Lagardère), Jean-Cyril Spinetta (ancien PDG d'Air France KLM), Michel de Rosen (ex-directeur général d'Eutelsat), Jean-Pascal Beaufret (ancien dirigeant d'Alcatel puis de Natixis), ou Philippe Tillous-Borde (ancien directeur général de Sofiprotéol). Toutefois, la plupart de ces VIP n'ont investi qu'un petit ticket (25.000 euros chacun).

Renfloué par Benjamin de Rothschild

Le principal actionnaire (29%) est le baron Benjamin de Rothschild, qui a apporté l'an dernier 2,85 millions d'euros via ses holdings luxembourgeoises. Résident à Genève, il est représenté au conseil de surveillance de Slate.fr par Johnny El Hachem, qui dirige les activités de private equity de la banque Edmond de Rothschild.

Le second actionnaire (22%) est la Financière Viveris, un fonds qui utilise la déduction de l'ISF des investissements dans les PME. Les fondateurs (Jean-Marie Colombani, Eric Lesser, Eric Le Boucher et Jacques Attali) ne détiennent plus que 25% du capital, car ils ont été dilués au fur et à mesure des levées de fonds successives. Au total, le site a ainsi englouti plus de 10 millions d'euros depuis sa création en 2008.

Slate.fr a visiblement du mal à trouver son modèle économique, malgré le lancement d'initiatives prometteuses, comme un site spécialisé sur l'Afrique, ou encore un site de curation. Côté publicité, le site a changé plusieurs fois de régie: ce fut d'abord Orange, puis Prisma, puis Media vente business, et enfin une régie interne. Après avoir crû de manière continue, l'audience comme le chiffre d'affaires ont fini par reculer (cf. ci-dessous).

Résultat: l'équilibre, initialement promis pour 2012, ne cesse d'être repoussé. Selon Presse News, il serait désormais visé pour 2016. Et les levées de fonds successives se font sur des valorisations de plus en plus basses. De même, l'argent emprunté sous forme d'obligations se fait à un taux de plus en plus élevé (12% l'an dernier).

Opacité du capital

Étrangement, Slate.fr ne tient visiblement pas à communiquer sur ses résultats, ni sur son actionnariat VIP. Contacté à plusieurs reprises, le site ne nous a jamais répondu. Les comptes ne sont plus déposés au greffe depuis 2012. La liste des actionnaires figurant sur le site date de 2009, et n'a jamais été remise à jour depuis. Et lorsqu'un article du site évoque l'un d'entre eux, le texte ne précise nullement qu'il est au capital.

Pourtant, en 2012, le site avait promis la transparence: "La véritable indépendance ne consiste pas à la proclamer en permanence et à la porter en bandoulière. Elle consiste à ne pas dépendre d'intérêts économiques cachés [...] Pour répondre à cet impératif, nous sommes totalement transparents sur la composition de notre capital, le nom et la nature de nos actionnaires (vous pouvez consulter Qui sommes nous?)".

Mise à jour: en juin 2016, Benjamin de Rothschild est monté à 46,2% du capital, et BNP Paribas à 6,2% suite à une augmentation de capital et à la conversion anticipée de leurs obligations

Les résultats de Slate.fr (hors filiales)

Chiffre d'affaires (en millions d'euros)
2009: 0,4
2010: 0,5
2011: 1,2
2012: 1,5
2013: 1,3
2014: nc
2015: 0,93

Résultat net (en millions d'euros)
2009: -0,9
2010: -1,1
2011: -0,8
2012: -1,3
2013: -1,1
2014: nc
2015: -1,9
2016: -2,6

Audience (millions de visiteurs uniques)
2009: 0,33
2010: 0,81
2011: 0,96
2012: 1,13
2013: 1,16
2014: 1,46
2015: 1,26*

*à fin novembre
Source: comptes sociaux hors filiales, Médiamétrie

Les levées de fonds de Slate.fr

Novembre 2008
63.000 euros auprès des fondateurs (1 euro par action)

Février 2009
100.000 euros auprès des fondateurs (27 euros par action)

Mai 2009
200.000 euros auprès de Pierre Leroy (27 euros par action)
900.000 euros auprès de Slate Group (27 euros par action)
1,5 million auprès de Financière Viveris (37,57 euros par action)

Décembre 2011
180.000 euros auprès de BNP Paribas Développement (15,28 euros par action)
720.000 euros en obligations convertibles auprès de BNP Paribas Développement (à 5% par an, convertibles fin 2018)

2012
652.000 euros auprès d'Orange contre 34% du capital de Slate Afrique

Décembre 2012
300.000 euros auprès de LVMH (51,25 euros par action)
40.000 euros auprès de BNP Paribas Developpement (51,25 euros par action)
160.000 euros d'obligations convertibles auprès de BNP Paribas Développement (à 5% par an, échéance fin 2018)

Juin 2013
1,5 million auprès de Financière Viveris (38,57 euros par action)
100.000 euros auprès de Philippe Tesson (38,57 euros par action)

Janvier 2014
247.000 euros auprès de Jean-Cyril Spinetta, Philippe Tesson, Eric Le Boucher, Jacques Attali et BNP Paribas Développement (51,25 euros par action)

Septembre 2014
350.000 euros auprès BNP Paribas Développement, Pierre Leroy, Bernard Duc, Michel de Rosen, Jean-Pascal Beaufret, Alain Minc, Fabrice Larue, Cabinet Ricol Lasteyrie, Stéphane Boujnah, Michel Vigier, Dominique d'Hinnin et Philippe Tillous-Borde (16,02 euros par action)

Novembre 2014
158.000 euros auprès de Financière Viveris (16,02 euros par action)

Mars 2015
1,5 million d'euros d'obligations convertibles auprès de Benjamin de Rothschild (à 12% par an), converties en octobre 2015 (correspondant à 13,65 euros par action)

Octobre 2015
1,5 million d'euros d'obligations convertibles auprès de Benjamin de Rothschild (1,35 million) et BNP Paribas Développement (à 12% par an, échéance octobre 2017), finalement converties par anticipation à la demande de Slate en juin 2016

Juin 2016
500.000 euros auprès de Benjamin de Rothschild (470.000 euros) et BNP Paribas (13,65 euros par action)

Juin 2017
1,15 million d'euros auprès de Benjamin de Rothschild (8,5 euros par action)

A venir
2x500.000 euros auprès de Benjamin de Rothschild (8,5 euros par action)

L'actionnariat de Slate.fr

Lampsane Investissement SA (Compagnie Benjamin de Rothschild Conseil SA): 29,3%**
Financière Viveris: 22,3%
Slate Group (Washington Post): 8,3%
Eric Le Boucher: 7,7%
JMC Media SAS (Jean-Marie Colombani): 7,4%
BNP Paribas Développement: 5%**
A&A (Jacques Attali): 5,1%
Eric Leser: 3,7%
Pierre Leroy: 3,2%
Ufinvest (LVMH): 1,5% 
Philippe Tesson: 1%
Bernard Duc: 0,8%*
Michel de Rosen: 0,4%*
Jean-Pascal Beaufret: 0,4%*
Alain Minc: 0,4%*
Fabrice Larue: 0,4%*
Cabinet Ricol Lasteyrie: 0,4%*
Stéphane Boujnah: 0,3%* 
Michel Vigier: 0,3%*
Dominique d'Hinnin: 0,3%*
Jean-Cyril Spinetta: 0,2%
Philippe Tillous-Borde: 0,2%*

*plus autant de bons de souscription d'actions
**plus des obligations convertibles
Source: BFM Business

NB: le co-fondateur Johan Hufnagel, qui détenait 1,2%, nous a indiqué avoir revendu ses actions aux autres fondateurs il y a un an 

Jamal Henni