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Les câbles sous-marins, meilleurs amis de ceux qui nous espionnent

Environ 250 câbles sont aujourd'hui posés au fond des mers. Ils servent aux communications téléphoniques, internet transcontinentaux.

Environ 250 câbles sont aujourd'hui posés au fond des mers. Ils servent aux communications téléphoniques, internet transcontinentaux. - Pictanovo

Les prochaines révélations de Wikileaks pourraient porter sur l'espionnage des câbles sous-marins transocéaniques. Ecouter une telle infrastructure constitue un défi technologique mais pas aussi insurmontable que l'on pourrait imaginer.

Même enfouis à plusieurs centaines de mètres sous la surface de la mer, les câbles transocéaniques peuvent être écoutés par des pirates ou des services de renseignement. Le défi technologique ne paraît pas insurmontable, même si cette performance n'est pas à la portée du premier technicien venu. Les experts expliquent qu'il suffit d'avoir accès aux stations terrestres d'atterrissage de ces réseaux ou, de se "brancher" directement sur les câbles à partir d'un dispositif sous-marin.

Ces procédés, dignes des meilleurs films d'espionnage pourraient figurer parmi les prochaines révélations de Wikileaks, comme l'a expliqué Antoine Lefébure, historien des médias, expert en communication et auteur de l'ouvrage "L'affaire Snowden, comment les Etats-Unis espionnent le monde" cette semaine dans l'émission Grand Angle sur BFMTV.

Des milliers de kilomètres de fibre optique sillonnent nos océans

Ces câbles, dont les premiers ont été posés à la fin du XIXème siècle pour le télégraphe, utilisent aujourd'hui la fibre optique. Ils servent aux communications téléphoniques, internet et en partie télévisuelles transcontinentales. Nos océans sont ainsi sillonnés de milliers de kilomètres de câbles sous-marins déployés par des pools d'opérateurs télécoms internationaux. Telles de véritables autoroutes de l'information, ils empruntent les chemins les plus courts entre chaque continent, parcourant des terrains parfois profonds et accidentés.

La pose de ces infrastructures fait appel à d'immenses bateaux spécialisés qui déroulent ces câbles et les entretiennent au quotidien. Ils doivent en effet faire face régulièrement aux coups de chaluts des bateaux de pêche, aux morsures de requins, et autres érosions salines naturelles. Une filiale d’Alcatel figure d'ailleurs parmi les spécialistes mondiaux de la pose de câbles sous-marins, d’où, au passage l’importance de conserver cette activité en France.

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A terre, des stations d'atterrissages accueillent les points de départs et d'arrivées de ces câbles. En Europe, les principaux sites sont installés en Grande- Bretagne, mais aussi dans l'ouest de la France (à la pointe de Penmarc'h) pour les liaisons transatlantiques, ainsi qu'à Marseille pour les liaisons avec l’Afrique ou l’Asie.

Des virus informatiques installés par la NSA

Comme pour des liaisons terrestres classiques, des systèmes existent pour espionner les flux d'informations transportés par ces câbles sous-marins. La première technologie consiste à pirater les serveurs informatiques qui se situent dans les stations d'atterrissage des câbles. Ce type d'attaque fut ainsi employé en 2013 pour pirater un câble sous-marin opéré par Orange.

Selon des documents fournis par Edward Snowden, la NSA aurait ainsi pénétré le réseau informatique de seize sociétés utilisant le câble sous-marin de télécommunications Sea-Me-We 4. Cette infrastructure en fibre optique relie l'Asie et l'Océanie à l'Europe. L'agence américaine a introduit un virus lui permettant de récupérer des informations diffusés sur ces câbles.

Les grands noeuds de réseaux internet infectés

Une autre technologie dénommée "tapping" consiste à installer de façon délibérée dans les stations d'atterrissage, un système qui copie l'intégralité des données en circulation sur les fibres optiques, et cela de façon quasiment indétectable. Edward Snowden a détaillé le type de matériel utilisé par les services de renseignement. Baptisé "CyberSweep", il serait capable de récupérer les métadonnées, voire le contenu des emails, chats et conservations Facebook.

Ces informations ont été révélées par des documents fournis par Wikileaks. "CyberSweep" serait installé dans les grands nœuds du réseau Internet, comme la station d'atterrissage de Bude, sur la côte occidentale du Royaume-Uni. Celle-ci aurait été utilisée pendant plusieurs années, comme un centre d'essai du GCHQ britannique (Government Communications Headquarters) selon Edward Snowden. Les six câbles espionnés, d'une capacité de 7 téraoctets par seconde représentaient à l'époque un peu moins de 10% du trafic international.

Des robots en plongée espionnent aussi les câbles

La troisième technologie, la plus spectaculaire implique des robots sous-marins. Une fois les câbles à écouter identifiés, ils posent des "bretelles", des sortes de pinces équipés de capteurs qui vont capturer tous les signaux qui passent par les câbles et donc enregistrer et écouter les informations qui transitent sur ces fibres optiques.

Frédéric Simottel