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Les comptes de Plus belle la vie contestés par France Télévisions

Le service public réclamait 1,2 million d'euros au producteur

Le service public réclamait 1,2 million d'euros au producteur - Thomas Vollaire / France Télévisions

Selon un audit de KPMG, le producteur du feuilleton quotidien a gardé pour lui des sommes indues. France Télévisions a porté plainte, avant de la retirer.

On croyait que la guerre entre France Télévisions et Newen avait éclaté le 29 octobre 2015, le jour où le troisième producteur audiovisuel français a été racheté par TF1.

En réalité, la guerre avait démarré un an plus tôt, le 18 avril 2014. Ce jour là, le cabinet KPMG, mandaté par les chaînes publiques, rend un rapport d'audit explosif sur les comptes de Plus belle la vie sur la période allant de 2010 à 2012. Cet audit affirme que Newen, producteur de Plus belle la vie, impute sur le budget du feuilleton des dépenses qui en réalité lui incombent.

Marges généreuses

Rappelons que le budget du feuilleton quotidien de la Trois, à l'origine de 24 millions d'euros par an, dépasse maintenant les 40 millions d'euros par an (41 millions en 2014). Ce budget est financé en quasi-totalité (86%) par le service public. Le solde provient de subventions du CNC (Centre national du cinéma). Si besoin, le producteur Newen complète le financement, mais cela n'est pas toujours nécessaire, et certaines années, Newen n'apporte pas un kopeck, comme pour la 7ème saison. Mieux: Newen empoche une marge généreuse sur le feuilleton, estimée à une demi-douzaine de millions d'euros par an.

Mais ce n'était visiblement pas encore assez. L'audit de KPMG affirme que Newen impute sur le budget du feuilleton (et donc à France Télévisions) des dépenses qui n'ont rien à y faire. Par exemple, 800.000 euros dépensés pour un nouveau site web consacré au feuilleton. Ou bien 700.000 euros pour produire des programmes courts destinés au site. Ou encore 82.500 euros pour développer un jeu baptisé Plus belle la langue française.... Selon France Télévisions, le contrat ne prévoit pas que de telles dépenses soient imputées sur le budget du feuilleton, et elles n'ont pas été approuvées au préalable par les chaînes publiques.

Autre problème: les salaires effectivement versés aux acteurs et aux scénaristes sont parfois inférieurs à ceux prévus au budget. Or dans les décomptes présentés par Newen à France 3 figurait, non le montant réel, mais le montant prévu, soit un écart de 5.363 euros. 

Coquettes sommes

Mais ce n'est pas tout. Newen empoche aussi de coquettes sommes avec les produits dérivés, la revente des droits de diffusion, etc. Or, la réglementation comme le contrat imposent à Newen de reverser au service public une partie des profits ainsi réalisés -c'est ce qu'on appelle le droit à recettes. Problème: Newen reverse à ce titre à France Télévisions des sommes ridicules: 139.540 euros en 2010, 54.699 euros en 2011... Et même pas un centime en 2012!

L'audit de KPMG affirme que Newen a "oublié" dans ses calculs pas mal de recettes. Par exemple, celles issues de ventes de DVD (70.000 euros), en vidéo-à-la-demande (15.000 euros), ou en vidéo-à-la-demande illimitée chez CanalPlay (416.000 euros). Ou encore l'argent provenant des droits audiovisuels versés par la Procirep (1,5 million d'euros). Ou encore l'argent tiré de la vente d'anciens épisodes à... France 4 (124.000 euros).

Autre problème: sur toutes ces recettes annexes, Newen a le droit de prélever une commission quand c'est lui qui trouve l'acquéreur. Mais l'audit assure que Newen prélève parfois sa commission deux fois de suite, ou prélève une commission quand que c'est France Télévisions qui a trouvé l'acheteur! L'audit chiffrait à 122.600 euros les commissions indûment perçues.

Traité de paix global

Se basant sur l'audit, France Télévisions chiffre donc à 1,2 million d'euros les sommes dues par Newen, et envoie donc des factures en ce sens en 2014. Newen en conteste les trois quarts, mais refuse aussi de payer le dernier quart. En février 2015, le service public finit par porter plainte contre le producteur devant le tribunal de commerce de Paris, qui nomme un conciliateur un mois plus tard.

Mais l'affaire n'est pas allée à son terme. Finalement, en avril 2016, les deux parties ont fait la paix. L'accord comprend plusieurs volets, notamment l'abandon de la plainte de France Télévisions, qui s'est donc désisté en mai...

Interrogés, France Télévisions et Newen se sont refusés à tout commentaire.

Le budget de Plus belle la vie (devis initial de la saison 8, en millions d'euros)

Recettes
France Télévisions: 30,6
CNC: 5,7
RTBF (Belgique): 0,6
RTS (Suisse): 0,2
Newen: 1,1

Dépenses
Coût de production direct: 30,8
Salaire du producteur (5%): 1,5
Frais généraux (7%): 2,2
Frais financiers (2%): 0,6
Imprévus (10%): 3,1

Total: 38,2 millions d'euros

source: BFM Business

Jamal Henni