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Les délocalisations de tournages atteignent un niveau record

Le troisième épisode des "Visiteurs", doté d'un budget de 24,75 millions d'euros, a été tourné en Belgique et en République Tchèque

Le troisième épisode des "Visiteurs", doté d'un budget de 24,75 millions d'euros, a été tourné en Belgique et en République Tchèque - Nicolas Schul - GAUMONT - OUILLE PRODUCTIONS - NEXUS FACTORY

Les films français se tournent de plus en plus à l'étranger, malgré l'explosion des subventions pour les retenir en France.

Chaque année, l'État augmente les subventions pour retenir les tournages de films en France. Mais l'exode inexorable se poursuit néanmoins, et a même atteint un nouveau record en 2015. L'année dernière, seulement 64% des semaines de tournage des films majoritairement français ont eu lieu dans l'Hexagone, "un niveau jamais vu depuis 8 ans", selon les chiffres publiés lundi 1er février par la Ficam, le lobby des industries techniques.

Pire: pour les gros budgets (plus de 10 millions d'euros), seuls 26% des tournages ont eu lieu chez nous. Et même 1% pour les films de plus de 20 millions d'euros, à savoir Les Visiteurs 3, la production EuropaCorp The lake, et le film sur Heydrich de Cédric Jimenez HHHH.

Mais ce n'est pas tout. Seuls 40% des effets visuels ont été réalisés dans l'Hexagone, contre 84,6% l'année précédente. La faute notamment au biopic sur Cousteau, L'Odyssée, qui a effectué tous ses effets visuels à l'étranger.

Hausse permanente des subventions

Pour enrayer cet exode, la Ficam a réclamé une hausse des subventions pour les tournages en France. Elle a été exaucée, notamment grâce au lobbying de Luc Besson, qui menaçait d'aller tourner son Valerian en Hongrie. La ministre de la Culture Fleur Pellerin a cédé, et augmenté encore les subventions (qui prennent la forme d'un crédit d'impôt) dans le budget 2016. 

La Ficam affiche donc sa satisfaction: "Gageons que le renforcement des crédits d’impôts permettra en 2016 d’inverser radicalement cette tendance. La décision du gouvernement de renforcer fortement le crédit d’impôt apporte la meilleure réponse pour endiguer ces dérapages. Un retournement sensible de la situation s’est déjà opéré depuis le début de l’année 2016, impactant à la fois la localisation des prestations techniques, l’investissement et l’emploi dans l’ensemble de la filière". 

Fuite en avant

Au final, le coût de ces subventions a explosé, pour dépasser en 2016 les 150 millions d'euros. La Cour des comptes, dans un rapport publié il y a deux ans, déplore une fuite en avant. Depuis la création des crédits d'impôts en 2004, "leur impact semble s'être émoussé au fil du temps", et la délocalisation retrouver ses niveaux d'antan. Pire: cette subvention "provoque incontestablement un effet d'aubaine en faveur des producteurs qui auraient de toute façon fait le choix de tourner en France, avec ou sans" la subvention. Les films sans subvention "n'ont d'ailleurs pas massivement déserté le territoire français, la part de leurs dépenses en France restant stable".

La Cour des comptes constatait aussi dans son rapport "une course au mieux-disant fiscal" en Europe, chaque pays y allant de son incitation particulière pour attirer les tournages. Mais "cette surenchère n'est pas soutenable sur le long terme. De surcroît, elle ne permettra jamais de compenser les écarts de coûts avec les pays où les charges sociales sont beaucoup plus faibles". Les sages de la rue Cambon préconisaient donc de baisser le niveau des subventions accordées par la France.

Semaines de tournage en France des films d'initiative française (en %)
2008: 78%
2009: 76%
2010: 72%
2011: 77%
2012: 70%
2013: 78%
2014: 78%
2015: 64%

Source: Ficam

Jours de tournage en France (en %)
2003: 65,1
2004: 76,8
2005: 72,5
2006: 78,5
2007: 73,4
2008: 75,3
2009: 75,4
2010: 71,6
2011: 72,7
2012: 69,9
2013: 75,5
2014: 75,3

Dépenses en France des films d'initiative française (en%)
2007: 88,4
2008: 85,3
2009: 84,6
2010: 82
2011: 87,3
2012: 82,5
2013: 76,6
2014: 77,4

Source: documents de performance du CNC

Jamal Henni