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Les industriels lancent la guerre du porc

Les éleveurs de porcs et les industriels qui les leur achètent s'écharpent sur la question du prix de la denrée.

Les éleveurs de porcs et les industriels qui les leur achètent s'écharpent sur la question du prix de la denrée. - Jan Ulrich - Wikimedia – CC

Deux entreprises qui représentent 30% des achats de porcs au marché au cadran refusent désormais de participer au marché de la cotation du porc breton, estimant le prix actuel trop élevé.

Nouveau rebondissement dans la crise de la filière porcine: aucune cotation n'a eu lieu lundi au marché du porc breton (MPB), où s'établit le prix de référence national de cette viande, en raison de l'absence des deux plus gros acheteurs de porcs qui jugent le prix actuel trop élevé. "La Cooperl et Bigard/Socopa nous ont annoncé qu'ils ne participeraient pas au marché ce lundi", a déclaré Jean-Pierre Joly, directeur du MPB dont les cours sont fixés deux fois par semaine, le lundi et le jeudi.

Le prix actuel du porc s'établit à environ 1,40 euro le kilo, objectif fixé par le gouvernement à partir du 12 juin pour tenter de résoudre la crise traversée par les éleveurs de porcs français. Mais ce prix met à mal aujourd'hui les industriels français, affirment-ils: ils exportent 30% de leur production et doivent faire face, à l'export comme en France, à des concurrents européens, notamment Allemands et Espagnols, qui pratiquent des prix bas grâce à des exigences sociales ou environnementales moins contraignantes.

Le cours allemand 25 centimes moins cher

Dans un courrier daté du 6 août envoyé à ses adhérents, dont l'AFP a obtenu copie, la Cooperl explique que, pendant qu'"une volonté 'politique' de court terme a réussi à porter le cours à 1,40 euro" en France, "l'Allemagne abaissait brutalement son prix d'achat" et "à ce jour 25 centimes séparent le cours français du cours allemand".

"Les capitaux de la Cooperl sont la propriété de ses adhérents, ils n'ont pas vocation à financer un cours politique pour tenir la tête hors de l'eau à une partie de la production française", ajoute la coopérative. "Notre effort ira en totalité à l'abattage et à la valorisation des porcs de nos adhérents", annonce-t-elle en précisant qu'elle suspend ses achats externes au cadran à compter de lundi. La Cooperl s'est refusée à tout commentaire lundi. Et l'entreprise Bigard a renvoyé vers le Syndicat national de l'industrie des viandes (SNIV-SNCP).

Les charcutiers ne veulent pas de viande française

Selon un communiqué de ce syndicat envoyé lundi, la production, "soutenue par les pouvoirs publics, obtient les prix les plus élevés d'Europe, sans trop se soucier du devenir des abattoirs" tandis que "le secteur charcuterie-salaison considère que les viandes européennes sont meilleures que les viandes françaises (elles sont en réalité moins chères)" et que la grande distribution "n'a pas encore renoncé à sa politique de guerre des prix et des marges".

Paul Auffray, le président de la Fédération nationale porcine (FNP), a dénoncé pour sa part un "chantage et une prise en otage des éleveurs" par Bigard et par la Cooperl, qui "voudraient que les prix baissent de 15 centimes par kilo" par rapport à leur niveau actuel. Entre 150 et 200 éleveurs ont discuté lundi soir, à l'appel de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles, de cette "situation inédite", a-t-il expliqué, appelant le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll à porter la situation au niveau européen, et soulignant qu'aucune action n'a été décidée dans l'immédiat.

"Le prix ne peut pas être représentatif"

La Cooperl et Bigard représentent 30% des achats de porcs au marché au cadran. Avec plus de 2.700 agriculteurs adhérents, la Cooperl est le numéro 1 français du porc. Le groupe Bigard/Socopa est le leader français de la viande. Du fait de leur retrait lundi, la cotation du jour, qui concernait 12.000 des 60.000 porcs vendus chaque semaine au marché, n'a pu avoir lieu car sans eux "le prix ne peut pas être représentatif", a expliqué Jean-Pierre Joly.

Le MPB assure 25% des ventes de porcs en Bretagne, et 18% au niveau national. L'absence de cotation n'empêche pas les éleveurs de tenter de vendre en direct aux abattoirs, mais la négociation, faute de prix de référence, peut se révéler plus difficile. Le 12 juin, alors que les cours évoluaient autour de 1,30 euro le kilo, Stéphane Le Foll avait estimé nécessaire que les prix payés aux producteurs remontent "à 1,40 rapidement", prix correspondant à l'estimation du coût de production, ce qui est le cas depuis le 23 juillet.

N.G. avec AFP