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Les mauvaises affaires du fonds de DSK

Dominique Strauss-Kahn aurait pu entendre les alertes des commissaires aux comptes, qui avaient mis en garde le fonds LSK&Partners.

Dominique Strauss-Kahn aurait pu entendre les alertes des commissaires aux comptes, qui avaient mis en garde le fonds LSK&Partners. - Martin Bureau - AFP

Les commissaires aux comptes chargés de superviser le fonds LSK&Partners avaient démissionné peu après l’arrivée de DSK à sa tête. Et plusieurs investissements s’étaient soldés par de lourdes pertes.

Si Dominique Strauss-Kahn affirme avoir pris connaissance en octobre dernier des difficultés financières du fonds LSK & Partners, de nombreux éléments auraient pu attirer son attention.

Comme par exemple, la démission le 12 décembre 2013 du commissaire aux comptes, en l’occurrence le très réputé cabinet Ernst & Young. Soit juste après l’arrivée de DSK à la tête du fonds. Le mandat de l’autre commissaire aux comptes, la société Fiduo (ex-Mazars), a été résilié par l’assemblée générale du 9 juillet 2014.

Et si DSK avait lu les comptes de LSK et de ses filiales, il aurait vu que les auditeurs émettaient des réserves depuis janvier 2013 (cf encadré). Fait rarissime, le cabinet Grant Thornton avait même, le 26 mars 2013, refusé de certifier les comptes de l’une des filiales, Assya Capital Investment.

Des investissements hasardeux

Mais ce n’est pas tout. LSK avait aussi multiplié les investissements hasardeux. Par exemple, LSK avait hérité, à la suite d'un échange d’actifs, de 18,5% de la société de bourse française Global Investment Services (ex-Global Equities) –une participation valorisée 18 millions d’euros.

En décembre 2012, la commission des sanctions de l’ACP (le gendarme des banques) inflige à Global Equities une amende de 200.000 euros, notamment pour insuffisance de fonds propres. Puis, en janvier 2014, les commissaires aux comptes déclenchent une procédure d’alerte, pour finalement saisir quatre mois plus tard le tribunal de commerce en vue d’un placement en liquidation judiciaire. Celle-ci interviendra en août 2014.

Des engagements trop lourds à supporter

Autre exemple: la petite société suisse Ladoire SA spécialisée dans l’horlogerie de luxe, qui était détenue à 27,22% par LSK et 22% par Nessya (autre société du groupe LSK). Au total, cette participation de 49,2% était valorisée 774.648 euros. Las, cette société est lourdement déficitaire (558.519 euros de pertes sur l’exercice clos fin septembre 2012) et fini par être liquidée en août 2013.

Enfin, les clients de Assya Asset Management Luxembourg (autre filiale de LSK) se sont retrouvés avec sur les bras des "titres illiquides" c’est-à-dire difficilement vendables. Par exemple, des titres Lifemark, société luxembourgeoise ayant fait faillite en 2012 en laissant derrière elle un portefeuille d’environ un milliard d’euros.

Depuis début 2014, Assya Asset Management Luxembourg s’est mis à racheter ces titres auprès de ses clients. Ses comptes indiquent : "la charge de ces engagements a été à ce jour largement supérieure à la capacité propre de financement de la société. La réalisation de ces étapes n’a été possible que par le soutien indéfectible de son actionnaire" c’est-à-dire LSK, qui a "pris en charge directement les rachats" de ces fameux titres. Et a également abandonné 2,2 millions d’euros de dettes que lui devait Assya Asset Management Luxembourg.

Les avertissements des commissaires aux comptes

Le 11 janvier 2013, Ernst & Young, auditeur de LSK, émet des réserves sur les comptes 2011 : "En 2011, la société n’a pas respecté ses obligations contractuelles vis-à-vis d’un des établissements de crédit prêteur. Les pertes annuelles cumulées sont supérieures au capital souscrit à fin 2011. Au cours de 2012, des augmentations de capital successives ont permis de revenir à des capitaux propres positifs"

Le 26 mars 2013, le cabinet Grant Thornton, auditeurs d’Assya Capital Investment, émet des réserves sur les 6,8 millions d’euros obligations émises par la société: "la capacité des émetteurs d’obligations à remplir leurs obligations financières est compromise. La direction ne nous a fourni aucune preuve adéquate que la valeur nette de réalisation des actifs sous-jacents aux obligations fournirait une marge suffisante pour la solvabilité des émetteurs d’obligations. Ceci peut indiquer qu’ il existe une incertitude significative susceptible de jeter un doute important sur la capacité de la société à poursuivre son exploitation."

Le 3 juin 2013, le cabinet Mazars, auditeur d’Assya Asset Management Luxembourg, émet de son côté des réserves sur les comptes 2012 : "il existe une incertitude significative susceptible de jeter un doute important sur la capacité de l’entité à poursuivre ses activité".

Le 2 octobre 2013, Ernst & Young, auditeur de LSK, fait part de ses doutes sur les comptes 2012 : "nous n’avons pas été en mesure de recueillir des éléments probants suffisants et appropriés auprès de la direction pour justifier la valeur comptable des participations dans Assya Partners et First Partners, portés au bilan pour un montant de 5,2 millions d’euros, ce qui représente 13,5% de l’actif à fin 2012".

Enfin, le 14 octobre 2014, le cabinet BDO Audit, auditeur d’Assya Asset Management Luxembourg, émet des réserves sur les comptes 2013 : "il existe une incertitude significative susceptible de jeter un doute important sur la capacité de la société à poursuivre son exploitation. A fin 2013, la société détient 1,5 ME de créances sur des entreprises liées (du même groupe LSK) qui représentent 59% de l’actif. Nous n’avons pas été en mesure de recueillir des éléments probants suffisants et appropriés pour justifier de l’évaluation de ces créances".

Yann Duvert