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Les médecins bientôt rémunérés selon la "pertinence" des arrêts de travail?

L'Assurance maladie utilise la carotte plutôt que le baton

L'Assurance maladie utilise la carotte plutôt que le baton - Alex Proimos - Flickr - CC

"L'Assurance maladie compte lier une partie de la rémunération des médecins au bien-fondé de la prescription des arrêts-maladies qu'ils prescrivent, selon un document dévoilé ce mercredi."

C'est une réforme qui risque de faire couler beaucoup d'encre. L'Assurance maladie veut favoriser la "pertinence" des prescriptions d'arrêts de travail en incluant de nouveaux critères dans la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp), sorte de prime octroyée aux médecins pour améliorer leurs pratiques, selon un document consulté mercredi par l'AFP.

Les syndicats de médecins ont rendez-vous jeudi au siège de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) pour une nouvelle séance de négociation sur la convention médicale, texte qui régit, pour cinq ans, les relations entre les praticiens libéraux et la Sécurité sociale et fixe leurs honoraires.

Dans un document élaboré en amont de la discussion et consacré à la Rosp, l'Assurance maladie propose d'introduire de nouveaux indicateurs permettant la rémunération des médecins atteignant certains objectifs, en matière de prescription de médicaments, d'organisation de leur cabinet ou encore de prévention.

Des indicateurs

Parmi eux, des indicateurs relatifs à la pertinence des prescriptions d'arrêt de travail (indemnités journalières) au regard des préconisations existantes, les médecins étant par exemple invités à prescrire 5 jours d'arrêt de travail pour une grippe saisonnière, 3 pour une angine ou 21 jours pour une entorse grave lorsque le patient effectue "un travail physique lourd".

"Lorsqu'un arrêt de travail est prescrit en ligne (AAT), sa durée est plus souvent conforme aux référentiels existants, probablement du fait de la possibilité de choisir parmi les durées standard proposées par l'outil", constate la Cnam dans le document.

"Des indicateurs Rosp pourraient valoriser le recours aux services disponibles en ligne en matière d'arrêt de travail et le respect des référentiels qui y figurent", suggère-t-elle. "Le taux de dématérialisation des prescriptions d'arrêt de travail" et le "taux de respect des référentiels pour les arrêts de travail prescrits en ligne (ou taux d'AAT dont la durée a été choisie parmi les propositions de l'outil)" constituent ainsi de nouveaux "indicateurs d'efficience" potentiels, selon la Cnam.

La mesure pourrait ainsi s'inscrire dans un plan plus global d'action de la Cnam pour enrayer la hausse des dépenses liées aux arrêt maladie (renforcement de l'accompagnement des médecins prescrivant trop d'arrêts, meilleur ciblage des contrôles, etc.) qui grèvent les comptes de la Sécu.

Les médecins dubitatifs

La dématérialisation des arrêts de travail offrirait en outre une meilleure visibilité à la Cnam, les médecins étant obligés de cocher des motifs d'arrêt plus précis que ceux qu'ils inscrivent souvent sur les feuilles imprimées, selon plusieurs médecins interrogés. Reste que les syndicats sont loin d'être conquis par l'idée.

Le président de MG France, Claude Leicher, reconnaît que les médecins "utilisent peu" les référentiels, mais n'est pas favorable à leur inclusion dans la Rosp, en appelant à la liberté de jugement du médecin face aux besoins particuliers du patient. Il pointe en outre "la variabilité dans l'accessibilité" du site de l'Assurance maladie.

"Il faut arrêter de nous infantiliser", commente de son côté Jean-Paul Hamon (FMF), opposé à ce mode de rémunération. En 2015, près de 90.000 médecins ont perçu 4.500 euros en moyenne au titre de la Rosp. Assurance maladie et syndicats ont jusqu'à la fin de l'été pour signer une nouvelle convention. Il y a 15 jours, la commission des comptes de la Sécurité sociale notait que l'augmentation des indemnités journalières (+3,5% en 2015 par rapport à 2014) avait contribué au dérapage des dépenses de soins de ville (hors hôpital).

J.M.avec AFP