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Les producteurs de lait paient cher ce changement d'habitude des Français

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"En recul constant depuis plusieurs années, la consommation de lait en France pâtit principalement de la désaffection pour le petit déjeuner, un repas qui représente les trois-quarts de la consommation de lait frais ou UHT."

Prix en baisse, producteurs de plus en plus subventionnés, paupérisation globale du secteur... La production laitière est en crise en France depuis des années. Et les aides ne suffisent pas à enrayer la chute des revenus des 63.000 producteurs hexagonaux à l'heure où les prix continuent de baisser au niveau européen. Le continent produit trop de lait et ses deux grands clients que sont la Chine et la Russie manquent à l'appel. Le premier a réduit ses commandes et le second n'importe plus aucune goutte de lait européen depuis la crise ukrainienne.

Or, depuis la fin des quotas laitiers en 2015, la production française (la 2ème en Europe après l'Allemagne) a un besoin vital d'exporter. Car la consommation locale baisse d'année en année. En moyenne, chaque Français a consommé 51 litres de lait en 2015 selon Syndilait, en baisse de 2,5% par rapport à 2014. En 2004, la consommation moyenne était encore de 60 litres par an. Désormais le Français boit moins de quatre bols par semaine. Il est même devenu un des plus petits consommateurs de lait frais ou UHT d'Europe. A titre de comparaison, les Espagnols en boivent encore 74 litres, les Anglais aux alentours de 100 litres et les Irlandais (les plus gros consommateurs d'Europe) sont à 126 litres.

Le lait plombé par le recul du petit déjeuner 

Mais pourquoi les Français boivent-ils chaque année un peu moins de lait? La première raison est d'ordre démographique. La population française vieillit, or ce sont les jeunes qui en consomment le plus. Mais le phénomène qui inquiète le plus la filière c'est un changement bien précis dans les habitudes alimentaires des Français: la disparition progressive du petit déjeuner traditionnel. En 2013, seuls 19% des adultes et 30% des enfants prenaient un petit-déjeuner complet le matin selon le Credoc contre respectivement 27 et 40% en 2007.

"L'individualisation grandissante de la vie quotidienne des familles conduit à une forte hausse des petits déjeuners pris seuls en semaine, explique le Credoc dans une note. Alors que les dîners sont toujours autant consommés en famille, le petit déjeuner de la semaine est le repas pour lequel la préférence personnelle et le rythme de chacun prennent le pas sur le désir de partage collectif." Le recul du rituel du premier repas de la journée se traduit par une chute de la consommation de lait.

Or toujours selon le Credoc, le petit déjeuner reste le principal moment de consommation du lait sous forme liquide. A lui seul, il représente 76% de la consommation globale. Loin devant le goûter (11%) et les en-cas (7%). 

Quelques signes positifs

A ce changement d'habitude problématique pour la filière, s'ajoutele fait que le lait n'a pas bonne presse depuis quelques années. Il serait indigeste pour une part croissante de la population et, plus largement, mauvais pour la santé. Des a priori auxquels compte s'attaquer la filière lors de la semaine du goût en octobre prochain en expliquant aux enfants les vertus du lait sur le plan sanitaire.

En attendant cette relative mauvaise image du lait profite à des niches de consommation. Le lait sans lactose a ainsi vu ses ventes bondir de 13%, le bio de 7% et l'engouement pour le lait de chèvre ne tarit pas (+19% en 2015). Au total, ces différentes niches ne sont plus si marginales et représentent désormais 20% de la consommation de lait en France. De quoi redonner -un peu- le sourire à une filière qui, globalement, a le moral en berne. 

Frédéric Bianchi