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Les télécoms européens, mauvais placement pour Orange et Vivendi

Les actions des opérateurs télécoms européens ont perdu un quart de leur valeur en bourse depuis un plus haut atteint en août 2015

Les actions des opérateurs télécoms européens ont perdu un quart de leur valeur en bourse depuis un plus haut atteint en août 2015 - Wikimedia commons cc Eva Beccera

Les actions BT détenues par Orange ont perdu 40% de leur valeur, tandis que la valeur de la participation de Vivendi dans Telecom Italia a reculé de 22%.

En janvier 2016, Orange a vendu sa filiale britannique à BT. L'opérateur français s'est fait payer en cash et en actions BT. Mal lui en a pris: depuis, le cours de BT a perdu 40% de sa valeur. Nicolas Didio, analyste télécoms chez Berenberg, avance plusieurs explications à cette chute du cours: "D'abord, l'activité entreprises de BT a subi de mauvais résultats à cause de fraudes en Italie et d'une réduction de la dépense publique en Grande-Bretagne. Ensuite, Bruxelles a opposé son veto à la réduction du nombre d'opérateurs mobiles en Grande-Bretagne". Et à tout cela s'ajoute le Brexit et la chute de la livre, chute contre laquelle Orange s'est toutefois protégé.

Un malheur n'arrive jamais seul

Un malheur n'arrivant jamais seul, Orange a assisté impuissant à la chute des actions BT. En effet, le français s'était engagé à conserver ses actions durant un an, soit jusqu'en janvier 2017.

Au total, le paquet d'actions BT détenues par Orange, qui valait 2,5 milliards d'euros à l'origine, ne vaut plus aujourd'hui que 1,3 milliard d'euros. Toutefois, une partie de cette moins-value potentielle a déjà été enregistrée dans les comptes d'Orange, qui a passé fin 2016 une provision de 533 millions d'euros pour cela.

Finalement, Orange s'est enfin débarrassé lundi 19 juin des deux tiers de son paquet d'actions. Un premier tiers a été vendu sur le marché, avec une moins-value de 276 millions d'euros par rapport au jour où Orange les avait reçues. Pour le second tiers, l'ex-France Télécom a utilisé une formule qui le protège contre la chute du cours de BT: il a émis des obligations échangeables en actions dans 4 ans. "Cela nous permettra d'encaisser 590 millions d'euros", indique l'opérateur. Soit une moins value de seulement 120 millions d'euros par rapport au jour où ces actions avaient été reçues.

La peur de l'arrivée de Free

Parallèlement, un autre groupe français se retrouve dans une situation comparable. Il s'agit de Vivendi, qui est actionnaire de Telecom Italia. Précisément, le groupe dirigé par Vincent Bolloré, lorsqu'il a vendu son opérateur brésilien GVT en 2015, a hérité d'un paquet de titres Telecom Italia. Il a ensuite dépensé 2,6 milliards d'euros supplémentaires pour se renforcer au capital de l'opérateur italien. 

Mais, là encore, le cours de l'opérateur italien a chuté pour plusieurs raisons, explique Nicolas Didio: "D'abord, le gouvernement italien a décidé de miser sur Enel et non sur Telecom Italia pour développer la fibre jusqu'à l'abonné sur une partie importante du territoire. Surtout, Free a récupéré le quatrième opérateur mobile italien, et tout le monde s'attend à ce qu'ils cassent les prix, et donc les profits, comme ils l'ont fait en France". L'offre de Free, encore secrète, devrait être dévoilée cet automne. 

En pratique, le cours de l'opérateur italien a chuté de 22% par rapport au cours moyen d'achat des actions par Vivendi (1,0793 euro par action) et de 28% par rapport à leur valeur nette dans les comptes à fin mars (1,1518 euro par action). À ce jour, la moins-value potentielle par rapport au prix d'achat s'élève donc à 860 millions d'euros.

Pas de dépréciation

Toutefois, la situation diffère d'Orange sur un point fondamental: Vivendi répète vouloir conserver ses actions Telecom Italia.

Et, contrairement à Orange, Vivendi n'a jamais déprécié ses titres Telecom Italia. Une évaluation a bien été faite fin 2016, avec l’aide d’un expert indépendant, mais elle a conclu qu'aucune dépréciation n'était nécessaire. "La direction de Vivendi a conclu que la valeur recouvrable de sa participation, déterminée au moyen des méthodes usuelles d’évaluation (flux de trésorerie actualisés; comparables boursiers), était supérieure à sa valeur comptable", indiquent les comptes.

Dans ses comptes, l'ex-Compagnie générale des Eaux prédit même que la baisse du cours de Telecom Italia "n’a pas de caractère durable" pour trois raisons. D'abord, le cours devrait remonter "compte tenu notamment du changement de direction générale courant 2016". Ensuite, "la volatilité du cours de bourse de Telecom Italia suite à l’entrée de Vivendi à son capital". Enfin, "l’évolution défavorable des valeurs télécoms en Europe".

Déprime générale

En effet, la déprime sur les valeurs télécoms ne se limite pas à BT et Telecom Italia, mais touche toute l'Europe. L'indice Dow Jones Stoxx des valeurs télécoms a perdu un quart de sa valeur depuis un plus haut atteint en août 2015.

"Les télécoms ne suscitent pas actuellement un fort engouement de la part des investisseurs, confirme Nicolas Didio. D'abord, les chiffres d'affaires stagnent, avec des inquiétudes notamment sur les services aux entreprises, alors que les investissements ne décroissent pas comme prévu. Ensuite, les espoirs de consolidation ont été douchés par les vetos de Bruxelles en Grande-Bretagne et au Danemark. Enfin, depuis l'élection de Trump, les investisseurs ont migré vers des valeurs cycliques".

Jamal Henni