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Les conflits d'intérêts s'accumulent autour de l'évaluation des logos nutritionnels

"Nutri-score", les logos nutritionnels développés par l'INSERM.

"Nutri-score", les logos nutritionnels développés par l'INSERM. - Ministère de la Santé

Une enquête du Monde, publiée ce vendredi, dissèque le lobbying intense mené par l'industrie agroalimentaire dans la mise en place, en France, des logos nutritionnels. Et met sérieusement en doute l'impartialité de l'évaluation, voulue par le ministère de la Santé, des différents systèmes d'étiquetage.

Trop gras, trop salé, trop sucré… Des logos colorés pour mieux comprendre la valeur nutritive des aliments transformés, l’industrie agroalimentaire n’en veut pas: elle refuse que l’on nuise à son image. Depuis dix ans, elle mène une campagne lobbying très intense que décortique Le Monde dans une enquête, publiée ce vendredi.

Une enquête qui met au jour une myriade de conflits d'intérêts autour de la mise en place d'un système d'étiquetage, voulu par la ministre de la Santé Marisol Touraine. Et qui met sérieusement en doute l'impartialité de l'évaluation, demandée par le ministère, des différents système d'étiquetage existants.

L'étiquetage obligatoire est abandonné

Retour en 2006. Cette année-là, la Commission européenne s'engage sur la voie d'une harmonisation de l'étiquetage alimentaire dans l'Union européenne: elle envisage d'imposer un système de "feux tricolores", qui permettent de voir, en un coup d'œil, quels sont les produits à consommer avec modération.

La Confédération européenne des industries alimentaires et de la boisson se met alors sur le pied de guerre pour contrer ce système, et obtient, en 2011, l'enterrement du principe d'un étiquetage obligatoire.

Des logos moins clairs

Mais en France, la question est relancée par la ministre de la Santé Marisol Touraine, qui charge la recherche publique de développer un système d'étiquetage alimentaire. En 2014, le "Nutri-score" de l'Inserm - un système de logos à cinq couleurs - apparaît, enfin, dans la loi santé.

Mais là encore, l'industrie agroalimentaire, bientôt rejointe par la grande distribution, se mobilise auprès des députés. Et là encore, avec succès. Les deux acteurs économiques obtiennent la mise en place d'une étude comparative de tous les systèmes d'étiquetage existants, dont ceux… développés par eux-mêmes: "Nutri-repère" (industrie agroalimentaire) et le "SENS" (Carrefour et grande distribution), des logos bien moins clairs qu'un simple code couleur. Et c'est précisément l'impartialité de cette évaluation qui mise est sérieusement mise en doute dans les colonnes du quotidien du soir.

Lobbying scientifique

En effet, pour mener à bien cette étude comparative, la Direction générale de la santé (DGS) a mis en place un comité de pilotage, chargé de mener l'évaluation, et un comité scientifique, qui doit superviser la rigueur des opérations. "Mais les conflits d’intérêts sont particulièrement présents à tous les niveaux dans les deux structures", épingle Le Monde.

Ainsi, le coprésident du comité de pilotage, Christian Babusiaux, a notamment la casquette de… président du Fonds français pour l’alimentation et la santé (FFAS), organisation de lobbying scientifique de l’industrie agroalimentaire, qui regroupe les plus grands groupes du secteur.

Conflits d'intérêts à tous les étages

En outre, plusieurs membres du comité de pilotage sont, par ailleurs, des représentants de la grande distribution et de l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA), farouchement hostile à un système d'étiquetage à couleurs. Quant au comité scientifique, ce ne sont pas moins de six membres sur dix qui sont, eux aussi, en situation de conflits d'intérêts.

Mais ce n'est pas tout. Le comité de pilotage devrait annoncer, ce vendredi, le nom de l'agence chargée de réaliser l'évaluation des quatre systèmes d'étiquetage. Et selon Le Monde, cette agence n'est autre que LinkUp, "à la fois donatrice et prestataire du FFAS, membre de deux de ses groupes et bénéficiaire d’un financement de 24.900 euros". 

C. P.