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Médicaments: les pharmacies se lancent timidement dans la vente en ligne

Dans les autres pays européens, de nombreux pharmaciens ont renoncé à la vente en ligne.

Dans les autres pays européens, de nombreux pharmaciens ont renoncé à la vente en ligne. - -

Ce vendredi 12 juillet, le décret d’application autorisant la vente en ligne de médicaments sans ordonnance, entre en vigueur. Mais en raison des contraintes réglementaires et de faibles perspectives de bénéfices, les officines hésitent à se lancer sur ce nouveau marché.

C’est un feu vert qui ne change pas vraiment la donne : ce vendredi 12 juillet, le décret d’application autorisant la vente en ligne de médicaments non soumis à prescription entre en vigueur. Mais à ce jour, les pharmaciens ne sont pas nombreux à se positionner sur ce nouveau marché. La France compte près de 23.000 officines, or seulement 35 ont reçu leur agrément, visa indispensable pour se lancer dans ce canal de distribution. Et encore, toutes n’ont pas encore ouvert leur boutique en ligne.

Selon Isabelle Adenot, présidente de l’Ordre national des pharmaciens, ce faible nombre s’explique par les retards pris pour obtenir le contexte réglementaire définitif. Car si la vente en ligne des médicaments délivrés sans ordonnance est autorisée depuis le 1er janvier, les passes d'arme entre le Conseil d'Etat, l'Autorité de la concurrence et le ministère de la Santé ont donné lieu à plusieurs remaniements de ces regles de ventes.

Au final le guide des bonnes pratiques pour les e-officines n’a été publié par le gouvernement qu’à la fin du mois de juin. "Les pharmaciens attendaient d’être fixés sur les règles auxquelles ils devaient se soumettre pour se lancer. Ils n’allaient pas développer un site pour devoir le rechanger quelques semaines après. Néanmoins ceux qui l’ont déjà fait ont reçu un avis pour se mettre en conformité".

Peu d'officines ouvertes

Un argument que reprend David Tarnaud, pharmacien à Genas, dans le Rhône. Cinq mois après avoir entamé les démarches, il a obtenu son agrément. Mais ce matin, sa boutique en ligne n'est pas prête. "Je suis en train de réfléchir avec la société de développement web de quelle manière je vais présenter ma boutique et les conseils que je vais proposer aux patients. Cela va prendre quelques mois, je pense me lancer d’ici la fin de l’année", explique-t-il.

Mais s’il n’y a pas foule d’officines à vendre en ligne ce 12 juillet, cela ne devrait pas durer très longtemps selon l'Ordre national des pharmaciens. "Le nombre de demandes d’agréments a été multiplié par trois", précise Isabelle Adenot. Elle table sur plusieurs milliers de demandes à terme.

Néanmoins,forte de l’expérience des autres pays européens, elle reste mesurée sur leurs perspectives d’avenir. "Une partie de celles qui auront leur agrément n’ouvriront jamais leur pharmacie en ligne", explique-t-elle. Et parmi celles qui auront franchi le pas, beaucoup fermeront leurs portes quelques temps après. "En Belgique, sur les 4.000 officines qui ont obtenu leurs licences, seules 150 fonctionnent encore. En Allemagne, sur les 3.000 agréments, une quarantaine sont toujours en activité", détaille-t-elle.

La vente en ligne reste annexe

Principale raison : un marché limité. Dans les autres pays européens, la vente en ligne ne représente que 5% des ventes de médicaments.

De plus, les espoirs de rentabilité sont faibles en raison des obligations tarifaires. Car le gouvernement impose aux pharmaciens de proposer des prix identiques dans leurs officine en ligne et virtuelle. Peu de pharmaciens indépendants oseront donc se livrer à une bataille des prix, qui mettrait en jeu tout leur commerce.

David Tarnaud, pharmacien à Genas, en est bien conscient "je ne mise pas sur la vente en ligne pour augmenter mon chiffre d’affaires. Surtout que je ne compte pas me lancer dans une politique tarifaire agressive. Pour moi c’est surtout une question d’image, pour montrer que notre métier avance", explique-t-il.

Selon l'Ordre national des pharmaciens, un autre motif pousse les officines en ligne à fermer leurs portes : le poids des responsabilités vis à vis de la santé publique. Car malgré toutes les précautions prises pour encadrer la délivrance des médicaments, notamment sur la création d’un dossier du patient, on n’est jamais à l’abri d’accident ou de mauvaises prises. Et contre cela, il n'y a aucun garde-fou.

Coralie Cathelinais