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Pourquoi Numericable veut rentrer en bourse

Rothschild a été mandaté pour mené la cotation, et pourrait être rejoint par JP Morgan et Morgan Stanley

Rothschild a été mandaté pour mené la cotation, et pourrait être rejoint par JP Morgan et Morgan Stanley - -

Une cotation allégerait la lourde dette, mais serait peut être aussi un signal envoyé à des acquéreurs éventuels pour les forcer à sortir du bois, comme SFR, avec qui les discussions sont aujourd'hui interrompues.

"Rentrer en bourse? Jamais de la vie!" Il y a quelques années, Patrick Drahi, le fondateur et actionnaire de Numericable, excluait fermement toute cotation du câblo-opérateur. Cet homme discret n'avait aucune envie de se retrouver sur les sunlights, et de se plier aux lourdes contraintes de la bourse.

Pourtant, l'idée d'une mise en bourse progresse. Elle a été révélée mi-avril par Reuters, qui parlait d'une cotation dès cette année. La semaine dernière, l'agence a ajouté que Rothschild a été mandatée pour travailler sur le sujet, et que trois autres banques devraient suivre dans les semaines à venir. Selon des sources financières, il pourrait s'agir notamment de JP Morgan et Morgan Stanley, qui planchent déjà activement sur le sujet.

Toutefois, "le processus est encore très exploratoire, et aller en bourse n'est qu'une option parmi d'autres", tempèrent deux sources proches de la société.

Echapper à l'issue funeste

Une cotation présenterait plusieurs avantages. L'argent récolté permettrait d'alléger la lourde dette (2,3 milliards d'euros). En effet, Numericable n'a jusqu'à présent réussi qu'à la rembourser au compte-goutte, et pour l'essentiel n'a fait que reporter le remboursement à plus tard. Mais cette stratégie ne pourra pas être reproduite éternellement.

Problème: si la société n'arrive plus à payer ses dettes, alors les créanciers deviennent en général ses propriétaires, en lieu et place des actionnaires d'origine, qui sont fortement dilués. C'est ce qui est arrivé récemment à des sociétés très endettées, comme Technicolor, PagesJaunes, récemment renommées Solocal Group, ou Endemol.

Les actionnaires de Numericable (les fonds Cinven, Altice et Carlyle) ont donc toujours cherché à éviter cette issue funeste pour eux. Mais pour y échapper, il n'y a que deux solutions: s'introduire en bourse ou se faire racheter.

Certes, des discusions ont bien eu lieu pour une fusion avec SFR. Mais le président de SFR Stéphane Roussel a indiqué le 11 juin lors d'un colloque des Echos qu'aucune discussion n'était en cours avec Numericable. Et, selon des sources industrielles, le câblo-opérateur n'a finalement jamais déposé son offre de rachat sur 100% de SFR. "Nous leur avons demandé de ne pas la déposer", précise une source chez SFR.

Rachetez-moi ou je fais un malheur

"Mais en agitant l'idée d'une cotation, Numericable veut envoyer un signal aux acquéreurs potentiels pour les forcer à sortir du bois, en particulier SFR", indique un créancier. En clair, rachetez-moi vite avant que j'aille en bourse...

Le message peut s'adresser aussi aux deux autres groupes qui font actuellement leurs emplettes dans le câble européen: l'américain Liberty Media (qui a racheté le britannique Virgin) et le britannique Vodafone (qui lorgne l'allemand Kabel Deutschland).

Mais pour Liberty Media, il s'agirait d'un revirement: il avait quitté la France en 2006 en vendant son câble à... Numericable. Quant à Vodafone, il s'intéresse au câble pour proposer des offres couplées fixe & mobile, or il ne possède pas de réseau mobile en France.

La chasse aux câblos

Sans compter que Numericable n'est pas une proie très attractive, à en croire une récente étude de HSBC. "Numericable est peu susceptible de profiter de la chasse aux câblo-opérateurs en Europe", selon ces analystes spécialisés dans la dette.

En effet, "la croissance du chiffre d'affaires a été modeste ces dernières années, contrairement à la plupart des câblo-opérateurs en Europe", qui affichent une croissance moyenne de 4% l'an. "Numericable souffre aussi d'un taux de désabonnement élevé, atteignant 19% au dernier trimestre 2012, soit plus que la moyenne".

Opinion négative des analystes d'HSBC

Enfin, à fin 2012, la dette de Numericable s'élève à 5,4 fois l'excédent brut d'exploitation (Ebitda), soit plus que le taux moyen des 'câblos' européens (4,2). "Le taux d'endettement de Numericable est le plus élevé du secteur, et il s'est désendetté plus lentement que les autres câblo-opérateurs européens", déplore HSBC.

Toutefois, les analystes identifent deux points positifs. D'abord, la rentabilité est "juste au-dessus de la moyenne du secteur en Europe", même si "sa croissance a été limitée récemment". Ensuite, la facture des abonnés est au-dessus de la moyenne du secteur. Mais cette médaille a un revers: "le potentiel de croissance du nombre de services par abonné est donc limité".

Sans surprise, l'opinion des analystes crédit d'HSBC est donc à "alléger". La conviction des analystes actions n'est donc pas gagnée d'avance...

Interrogé, Numericable s'est refusé à tout commentaire.

Jamal Henni